Le groupe communiste et citoyen a choisi de mettre dans notre niche cette délibération sur un phénomène qui se développe à vitesse grand V un peu partout dans les villes étudiantes et dans notre ville : le co-living.
Permettez-moi de citer quelques annonces : un loyer de 950€ par mois pour un logement de 10m², voilà le prix d’une « chambre économique » dans une résidence du 11e arrondissement proposée par LaCasa. Autre exemple, 1550€ pour 13m² dans le 17e arrondissement logement proposé par le groupe Colonie. 1690€ pour un logement de 14m² toujours dans le 17e arrondissement. 1850€ pour un logement de 22m² dans une résidence de co-living dans le 15e arrondissement toujours proposé par le groupe Colonie.
On nous présente le co-living comme une idée moderne, séduisante : Un logement flexible avec des baux courts et des services intégrés pensés pour les cadres en déplacement et les CSP +. La réalité derrière les services : Un service de ménage, ou moins ambitieux : un micro-onde, le wifi, parfois par miracle une chaise de bureau.
Le co-living, ce n’est pas une réponse à la crise du logement, c’est au contraire un symptôme et un catalyseur qui pousse les loyers à la hausse dans un contexte où ils sont déjà très élevés et qui rend le séjour dans un logement toujours plus précaire.
Derrière les belles images de convivialité qui nous sont vendues, la réalité est souvent celle-ci : des chambres minuscules, parfois à peine 10 m², louées à des prix qui dépassent largement le loyer d’un studio ordinaire. On nous vend des « espaces communs » pour compenser l’exiguïté des chambres, mais la réalité, c’est qu’on facture au prix fort un mode de vie contraint.
On nous dit que le co-living et sa logique de flexibilité est plus séduisant chez les jeunes : la réalité c’est que ça n’est pas un choix mais une contrainte liée à la tension sur le marché locatif. C’est l’équivalent de la flexibilité prônée dans l’auto-entreprenariat faute d’accès à des CDI.
Le co-living se présente comme une expérience communautaire qui s’adresse finalement à des cadres et aux étudiants les plus aisés : écoles de commerce, étudiants étrangers…
Le co-living repose sur une précarisation accrue des locataires. Il repose aussi sur des travailleurs invisibles : femmes de ménage, agents de maintenance, prestataires divers, souvent sous-traités et sous-payés, qui assurent le fonctionnement de ces résidences.
Le co-living repose sur une logique de marchandisation accrue du logement. Il transforme ce qui devrait être un droit fondamental – se loger dans de bonnes conditions à des prix convenables – en un produit de niche, réservé à celles et ceux qui peuvent payer des loyers exorbitants.
Face à l’effondrement de l’immobilier de bureau et le boom du télétravail, les promoteurs rachètent des bâtiments entiers et font partir les locataires occupants afin de restructurer les appartements et créer des résidences où l’on peut démultiplier le nombre de locataires. Chaque immeuble racheté contribue à la raréfaction de l’offre et est un immeuble en moins pour des logements familiaux.
En France, on constate plus de 70 % d’augmentation du nombre de lits en co-living entre 2021 et 2023. Ce phénomène est boosté par les investisseurs qui y voient une possibilité de maximiser la rentabilité du foncier. Rendement locatif moyen de 4 à 8%. Selon une étude récente de l’Institut Paris Région, 7 500 lits de co-living existent déjà en Île-de-France, et près de 6 800 autres sont en projet.
Tout cela nous inquiète et surtout ce phénomène nous rappelle étrangement ce que nous avons connu autour de 2014-2015 avec AirBNB, à l’époque nous étions un certain nombre dans cette assemblée à tirer la sonnette d’alarme, à constater le développement de ces locations touristiques sur fond de manque de règles et d’outils législatifs pour le réguler.
Malheureusement, l’État, le législateur, a beaucoup trop tardé à nous permettre de légiférer sur ces locations touristiques. Nous avons enfin obtenu des moyens législatifs notamment par la loi Echaniz-Lemeur qui nous permet de réguler les AirBNB.
Aujourd’hui un certain nombre d’investisseurs ont compris qu’ils ne pouvaient plus continuer à faire du AirBNB car ils ont compris qu’ils sont tombés dans l’illégalité. Du coup ils se tournent vers le co-living et ils y voient un moyen d’atteindre des taux de rentabilité bien plus élevés qu’en location classique.
C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas rester dans une situation où le co-living relève d’une espèce de zone grise qui fait qu’il se développe sans que nous ayons le moyen d’en maîtriser le développement.
Donc nous déposons cette délibération avec pour objectif que Paris soit la première ville à tirer la sonnette d’alarme sur ce phénomène. Je sais d’ailleurs que bien d’autres villes, d’autres maires sont concernés par le sujet. J’en ai rencontré en Seine et Marne, des maires de droite qui voient le développement du co-living avec tous les problèmes que cela engendre et qui n’ont pas les moyens d’agir.
Nous souhaitons que Paris soit la première ville à se saisir de ce sujet avec plusieurs objectifs :
- le premier c’est que Paris lance un signal aux acteurs privés, aux promoteurs, aux investisseurs et leur dise que nous ne souhaitons pas que le co-living se développe à Paris. On a évidemment besoin d’une offre pour des étudiants notamment, mais il y a des résidences étudiantes pour ça, on n’a pas besoin de développer le co-living qui par ailleurs permet le détournement des règles d’urbanisme que nous avons mises en place. Donc premièrement envoyer un signal : nous n’accepterons pas le développement anarchique du co-living dans cette ville.
Deuxième objectif de cette délibération, qu’au sein de la direction du logement et de l’habitat ainsi qu’à la direction de l’urbanisme des équipes permettent de faire le point sur le développement du co-living et de contrôler les résidences qui se sont développées pour veiller au respect de l’encadrement des loyers notamment. Troisièmement, l’objectif c’est aussi d’interpeller le gouvernement, si tant est qu’il y en ait un, d’interpeller le législateur en tout cas, pour faire en sorte qu’une loi puisse être adoptée sur le sujet. Qu’on sorte de cette zone grise et de ce vide juridique. Que le co-living cesse d’être un outil de contournement de l’urbanisme et des règles en matière de logement. Voilà l’objectif de cette délibération et je souhaite qu’elle soit adoptée dans l’intérêt de notre ville et de ses habitants.