La création d’un Défenseur des enfants, rattaché directement au Maire et doté d’un véritable statut indépendant, constitue une avancée décisive. Elle porte un message clair : chaque enfant compte. Tous, sans exception. Sans distinction d’âge, de nationalité, de situation sociale ou de handicap. Les enfants portent en eux l’avenir du monde ; protéger leur enfance et respecter leurs droits, c’est déjà commencer à construire un autre monde , plus juste
À Paris, plus de 300 000 enfants fréquentent chaque jour plus de 2 000 lieux municipaux — écoles, centres de loisirs, bibliothèques, équipements sportifs. Cette réalité impose une exigence absolue : nous n’avons pas le droit à l’imprécision, ni à l’inaction.
Depuis plus de vingt ans, Paris est reconnue Ville amie des enfants par l’UNICEF : cette reconnaissance engage, elle crée un devoir d’exemplarité et de protection. Cette création est donc un signal fort, à l’heure où la pauvreté infantile progresse : un enfant sur trois vits sous le seuil de pauvreté à Paris selon l’Insee C’est un signal fort, alors que les révélations de violences sexuelles explosent : +75 % de signalements en cinq ans selon le Défenseur des droits
C’est un signal fort au moment où les services de protection de l’enfance manquent cruellement de moyens. C’est un signal fort envoyé aux professionnels de terrain qui ne cessent d’alerter et décrivent une réalité insoutenable : des équipes épuisées, des moyens qui ne suivent plus, et des enfants dont les parcours sont trop souvent marqués par des ruptures, des carences, parfois des violences qui auraient pu être évitées.
Les récits que nous renvoient ces professionnels ne sont pas abstraits. Ils parlent d’enfants qui attendent une place, d’adolescents ballotés d’un foyer à un autre. Ce sont des vies qui se jouent dans nos institutions publiques, parfois brisées avant même d’avoir commencé. Nous avons la responsabilité collective de ne jamais détourner les yeux de cette réalité.
Dans ce contexte, le plan d’action contre les violences sexuelles faites aux mineurs, présenté la semaine dernière, est une étape importante et complémentaire. Ce plan était indispensable : en 2023, la Brigade de protection des mineurs a ouvert 1 900 enquêtes, dont près de la moitié pour violences sexuelles. 160 000 enfants subissent des violences sexuelles chaque année. 1 enfant est victime d’inceste, de viol ou d’agression sexuelle toutes les 3 minutes.
Les cas récents de pédocriminalité dans les écoles, dans le périscolaire comme dans l’Éducation nationale, ont profondément marqué les familles. Le groupe communiste leur exprime toute leur solidarité. Ils prouvent l’urgence d’outils solides, lisibles, articulés avec le cadre judiciaire - sous l’autorité du parquet et de la Brigade des mineurs - dans le respect strict du secret de l’instruction. Oui, la Ville agit. Elle le fait dans ses compétences. Mais elle ne peut pas pallier seule les carences de l’État.
Depuis plusieurs années, avec ma collègue Camille Naget, nous alertons sur la situation alarmante de l’Aide sociale à l’enfance à Paris. Les besoins explosent : +30 % de mineurs protégés en dix ans, plus de 9 000 enfants suivis, plus de 3 000 placements. Les équipes sont en tension et ne cessent d’alerter les pouvoirs publics : près de 20% de postes restent vacants dans certains services éducatifs, selon l’Observatoire parisien. La qualité de la prise en charge s’en trouve menacée.
Car oui, mes chers collègues membres de la majorité gouvernementale, l’État se désengage : depuis 2018, l’augmentation des dépenses liées à l’ASE n’a été compensée qu’à la marge, laissant près de 80 millions d’euros à la charge de la Ville. Ce retrait fragilise l’ensemble de la chaîne de protection. Il crée des situations inacceptables, où des enfants attendent, parfois des semaines, une solution adaptée, alors que rien ne devrait jamais faire attendre un enfant en danger.
Le Défenseur des enfants est donc un outil précieux, attendu, nécessaire. Mais pour qu’il soit réellement utile, il devra s’appuyer sur des moyens à la hauteur : recrutements, formations, renforcement du suivi des placements, meilleure coordination avec les départements, qui restent les acteurs centraux de la protection de l’enfance. Parce que protéger les enfants, c’est protéger le futur. C’est choisir la solidarité contre l’indifférence, le service public contre la logique comptable, l’humain contre la gestion à courte vue.
Aucune capitale digne de ce nom ne peut accepter qu’un seul enfant soit invisible, négligé ou abandonné. Nous voterons cette délibération, tout en réaffirmant ceci : l’État doit enfin assumer son rôle de garant et de cofinanceur de la protection de l’enfance. Sans un engagement national renforcé, Paris et les départements continueront de porter seuls un poids qu’ils ne peuvent, et ne doivent, supporter.
