Les coursiers de plateformes, on les voit toutes et tous dans nos rues, dans tous les arrondissements. A Paris, qu’il pleuve, vente ou qu’il fasse 36°, ils sont environ 2000 à répondre à une demande dont le volume est… inversement proportionnel à leur salaire. Ce modèle basé sur la précarisation à outrance des travailleurs a été très largement encouragé par les gouvernements successifs depuis 7 ans. Il s’est aujourd’hui étendu à tout le secteur tertiaire. C’est pourquoi, avec notre groupe, nous avons choisi d’interroger la question de l’ubérisation dans la ville à l’occasion de la prochaine Mission d’Information et d’Évaluation. Faire un état des lieux nous permettra d’évaluer ce développement dans la ville au sens large, et j’espère porter des propositions pour sortir de ce modèle qui n’a rien de socialement novateur.
Coopcycle fait l’effet d’un pavé dans la mare du système des oligopoles de la FoodTech et leurs plateformes. Parmi elles : Deliveroo, UberEats et consorts, rendues attrayantes par l’assurance du “sans patron” et de l’extrême flexibilité d’emploi du temps. Ce miroir aux alouettes vaut aussi pour d’autres plateformes du même type : Uber, Flink, ou encore Yoojo et ses semblables proposant un “service à la personne” personnalisé dans nos quartiers.
En opposition, Coopcycle a créé en 2018 un système innovant, sans reproduire les travers de celui qu’ils ont quitté. Une volonté autogestionnaire nettement affichée dans ce projet en a fait une structure hautement engagée, où les notions d’autonomie et de coordination doivent se conjuguer. Pour ce faire, ils créent des liens entre les travailleurs, plutôt que de les isoler par une mise en concurrence excessive qui nivèle leurs conditions de travail par le bas. Réunis en coopératives, plus personne n’est abandonné sur le bord de la route. A la maison des coursiers, projet que le groupe communiste soutient et porte depuis le début du mandat, on peut dormir, partager quelques mots ou un repas, ou encore faire valoir ses droits grâce à l’aide de professionnels.
Pour Kévin Poperl, l’un des fondateurs du projet, leur clé pour un modèle plus vertueux à Paris et à l’étranger, c’est le mieux disant de l’encadrement de travail dans les différents pays européens. Je cite : « ce qui unit ces collectifs est une charte dans laquelle figure des "conditions de travail dignes", un anticapitalisme qui se définit par l’absence de profits et de patrons et donc des valeurs partagées de démocratie au travail, et de partage de la valeur qu’il génère entre les membres. »
En cela, je pense que Coopcycle a été précurseur. Dans peu de temps, la Ville de Paris va se doter d’une charte semblable pour ces mêmes raisons. Mieux encore, a été votée en Conseil en 2022 l’introduction de clauses sociales dans nos marchés publics, qui feront prévaloir des conditions de travail optimales pour les travailleurs, plutôt que des profits optimaux pour les grandes entreprises.
Par sa démarche, cette structure rappelle que le coursier n’est pas un serviteur. C’est un travailleur qui peut et doit revendiquer et faire valoir ses droits. Avec Coopcycle, le métier retrouve ses lettres de noblesse dans la solidarité, avec l’accompagnement des pairs soutenu par des structures associatives et militantes. Et cela, c’est aussi grâce au soutien financier et matériel considérable que la Ville a apporté à ce projet. Cette maison des coursiers, c’est un pied de nez à tous ceux qui nous répètent que le marché du travail est régi par des règles que les grands groupes sont les seuls à définir.
Ceux-là même dont les plateformes de travail capitalistes créent et alimentent la paupérisation des travailleurs, l’exploitation des jeunes éloignés de l’emploi et des travailleurs étrangers. Parfois sans papier, toujours dans des conditions indignes. Coopcycle, pour nous, c’est comme une fleur dans le bitume ; c’est l’espoir qui s’est frayé un chemin là où peu le pensait possible.
Aujourd’hui la fréquentation de la Maison des coursiers a augmenté de façon exponentielle, ce qui témoigne de l’utilité d’un tel espace et de l’efficacité des actrices et acteurs qui s’y mobilisent. À mesure que la fréquentation augmente, les besoins humains et matériels aussi. Alors évidemment, nous voterons en faveur de cette subvention.