Il y a désormais 5 ans, nous alertions le Conseil de Paris sur l’automatisation du contrôle du stationnement payant.
Notre collègue Didier Le Reste, élu et responsable syndical des cheminots était presque devin en 2018, lorsqu’il disait devant ce même Conseil de Paris à propos de cette automatisation la phrase suivante : “Obéissant à des logiques de rentabilité financière, le prestataire a pour objectif de faire progresser le taux de respect du stationnement rotatif, soit d’augmenter le nombre de contrôles. Quitte à flirter avec la légalité. Quitte à réaliser des contrôles de stationnement fictifs. Quitte à infliger illégalement des contraventions.”
Cette alerte s’est révélée justifiée, presque mot pour mot.
Tout d’abord, sur l’augmentation du nombre de contrôles. Les “sulfateuses”, nom que nous donnons aux véhicules automatisés qui distribuent les amendes, ont bien sulfaté. Avant leur mise en place en 2021, le nombre de forfaits post-stationnement distribués s’élevait à 2,5 millions en moyenne par an. Depuis cette automatisation, ce sont plus de 4,6 millions de forfaits post-stationnements qui sont distribués.
Ensuite, sur les contraventions illégales. Leur nombre a explosé. La preuve par un seul chiffre, celui de l’explosion du nombre de recours contre ces FPS : nous sommes passés de 81 754 recours en 2019, avant l’automatisation, à 206 824 recours déposés en 2021. Une augmentation de 152%.
Une augmentation scandaleuse qui touche un public en particulier : celui des personnes handicapées. Plus de la moitié des recours concernent le motif de non prise en compte de la carte de stationnement pour personne handicapée ou du droit à la gratuité de véhicule basse émission.
Enfin, sur les contrôles de stationnement fictifs. Récemment, la justice a révélé que l’entreprise Streeteo avait massivement eu recours à des contrôles fictifs dressés par des agents non assermentés. Cette escroquerie a été reconnue par l’un des responsables de l’entreprise lors de sa comparution devant la justice le 9 février 2023. Voilà pour la fraude et la logique de rentabilité financière. Cette situation a obligé la Ville à rembourser plus de 5 000 contraventions illégales infligées par Streeteo.
S’ajoute aujourd’hui à cette longue liste de dysfonctionnements les conditions de travail chez Streeteo, mais elles ne doivent pas être très différentes chez les autres prestataires.
D’abord les salaires, à peine le SMIC, soit disant compensés par des primes sur des objectifs tellement haut qu’aucun salarié ne les atteint ou alors au prix d’une dégradation terrible de leur situation. Ensuite ils exercent dans des véhicules qui ne sont jamais nettoyés, certain m’ont raconté leur puanteur insupportable. Mais ce n’est pas fini, une demi-heure de pause pour se restaurer mais attention sans pouvoir quitter leur véhicule des yeux, donc beaucoup mangent dedans sans pouvoir se détendre. Et pour finir, l’agressivité des personnes contrôlées qui insultent et même agressent ces salariés au point que certains ont dû prendre des jours d’ITT.
Voilà la situation des salariés de Streeteo qui perdent leurs emplois du fait de la fin du contrat avec notre ville. 120 emplois sont concernés et les perspectives de reclassement faibles. Le 23 mai et les 2/3 juin derniers, ils étaient en grève afin que leur employeur prenne en compte leurs revendications dans le cadre d’un Plan de sauvegarde de l’emploi.
Nous avons donc fait un vœu rattaché car, jusqu’à la fin, cette société ne veut pas respecter les droits des travailleurs. En faisant d’abord trainer l’annonce de ce PSE et en en présentant un finalement loin d’être à la hauteur des attentes des salarié·e·s et des moyens du groupe INDIGO, que ce soit en terme d’indemnités ou de reclassement.
Par ailleurs, nous continuons de penser que tant que ce service sera attribué à une entreprise privée, la logique du chiffre continuera de primer. Nous ne sommes pas du tout convaincus de la nécessité de payer une entreprise privée pour une prestation qui pourrait être effectuée directement par notre collectivité. Car les conséquences sont aujourd’hui lourdes : confiance dégradée des Parisiennes et des Parisiens, contentieux nombreux, usagers floués : il est urgent de sortir de l’impasse.
C’est pourquoi nous demandons à ce que, à minima, la ville de Paris s’assure à l’avenir, du renforcement des clauses sociales présentées dans les appels d’offres à destination des délégataires de service public afin d’éviter une situation similaire à celle-ci.