Subventions d’investissement (482 000 euros) et conventions avec 40 librairies parisiennes.
Madame la maire, chers collègues,
Nous voici donc rassemblés pour voter une délibération que la droite parisienne de Mme Dati a rejeté en bloc il y a à peine un mois. Cette droite menée par la Ministre de la Culture a en effet refusé de voter une délibération de près de 500 000€ en soutien à 40 librairies indépendantes de la Capitale. Trop indépendantes certainement pour cette droite qui se fait le porte parole des milliardaires d’extrême droite qui brutalisent le débat public. La droite parisienne n’a pas défendu la République : elle a assumé une posture de censure qui ne fait pas honneur à notre histoire.
Les librairies indépendantes sont l’un des derniers remparts contre une uniformisation idéologique nauséabonde. Pour un livre de coloriage jugé antisémite bien que validé et commercialisé de manière parfaitement légale, 40 établissements ont été sanctionnés. Le vote du groupe de Rachida Dati lors de ce Conseil est un scandale politique majeur. Mme Dati, pourtant ministre de la Culture, sait pertinemment que si un livre était jugé antisémite, il tomberait sous le coup de la loi. Un petit rappel à toutes fins utiles : en France, seule la justice peut interdire un ouvrage. Ce vote n’était pas un dérapage, c’était un signal qui nous indique une fois de plus que le fond de l’air est mauvais et que la droite alimente sciemment une atmosphère très dangereuse. Car la droite parisienne ne combat pas l’antisémitisme, elle l’instrumentalise par opportunisme. Elle piétine la liberté d’expression. Vous êtes des hypocrites.
Vous ne faîtes pas preuve de la même « vigilance » lorsque votre sénatrice, Valérie Boyer, cite à dessein les antisémites Maurice Barrès et Charles Maurras dans l’enceinte du Sénat. Vous ne faites pas preuve de la même « vigilance » en ce qui concerne les LGBTphobies lorsque vous votez en faveur de thérapies de conversion. Je n’ai vu aucune indignation dans vos rangs en ce qui concerne le racisme quand Sarah Knafo juge qu’à Paris, une entente entre votre parti et son parti - celui d’Eric Zemmour condamné à plusieurs reprises pour racisme – serait naturelle. C’est sibyllin et cela illustre parfaitement la lente dérive de la droite parisienne.
En réaction, nous nous sommes mobilisés pour soutenir les libraires, leurs syndicats et les éditeurs indépendants. Parce que toutes et tous ont compris ce qui se joue : une offensive politique contre les lieux où fleurissent des pensées critiques, féministes, antiracistes, LGBT+, communistes ou encore anticoloniales. Des pensées qu’on ne trouve pas partout, et encore moins dans les Relay de Bolloré où Valeurs Actuelles, les essais d’Eric Zemmour, De Villiers et de tous les semeurs de haine sont allègrement mis en avant. Les vitrines taguées à l’acide, les menaces et les campagnes de diffamation dont font l’objet les libraires font partie intégrante d’une stratégie d’intimidation théorisée et légitimée par la banalisation des idées d’extrême droite — et désormais relayées par la droite de Dati elle-même.
Ces attaques coïncident avec le moment où le milieu de l’édition est la proie des milliardaires réactionnaires : Bolloré, qui a mis la main sur des pans entiers des médias et de l’édition dont Hachette et qui a placé Lise Boëll, éditrice d’Éric Zemmour, à la tête de Fayard ou encore Pierre-Edouard Stérin, qui rêve de financer des centaines de librairies pour organiser « l’union des droites ». Leur objectif est clair : contrôler les récits et façonner les imaginaires au profit d’un fantasme identitaire raciste tout en étouffant les voix dissidentes.
Notre groupe renouvelle donc son plein soutien aux librairies parisiennes Violette & co, à la Petite Egypte et à celle de la Fédération nationale de la Libre pensée dans le 5ème arrondissement, qui ont été vandalisées mi-novembre pour avoir prêté une salle aux personnes souhaitant suivre à distance un colloque sur la Palestine. Nous soutenons l’appel à la solidarité lancé par les professionnels du livre d’octobre dernier, et toutes les librairies indépendantes de France qui sont attaquées pour ce qu’elles sont : des lieux de culture et d’échanges pluralistes et démocratiques.
À Paris, nous refusons fermement cette dérive trumpiste de la droite. Soutenir les librairies indépendantes, c’est défendre la liberté, la diversité et la démocratie. Face à vos attaques réactionnaires nos libraires indépendants feront toujours barrage, et nous ferons barrage à leur côté.

