Ce vendredi, nous inaugurerons le nouveau local de la Maison des coursiers, désormais installé au 20 rue Saint-Denis – un lieu plus central et plus adapté. Ce projet, notre groupe l’a initié et accompagné depuis le début, à l’initiative de notre collègue Barbara Gomes en 2021. Il est porté par la Fédération des coopératives de livreurs à vélo, CoopCycle, qui en assure la gestion depuis le premier jour.
Quatre ans plus tard, nous avons lancé une Mission d’information et d’évaluation sur l’ubérisation à Paris. Car ce sujet, déjà brûlant à l’époque, est devenu incontournable pour nos politiques publiques à venir. CoopCycle prouve chaque jour qu’un modèle alternatif aux grandes plateformes est possible – ici comme à l’étranger. Leur logiciel open source soutient les commerces locaux, la livraison alimentaire, et surtout : un travail digne. En cinq ans, la Maison des coursiers est devenue un vrai lieu de confiance pour les livreurs : accompagnement administratif, santé, droit au séjour, insertion… avec l’objectif clair de sortir du statut précaire, largement subi.
Cet accompagnement est vital pour des travailleurs privés des droits sociaux les plus élémentaires : pas de chômage, pas de retraite, pas de vraie couverture maladie. À la merci d’un management algorithmique anonyme, évalués en étoiles sur une appli, les livreurs subissent une violence quotidienne.
La sociologie de ces travailleurs a changé. Aujourd’hui, 74 % des livreurs accompagnés par la Maison sont étrangers et sans-papiers. Exploités par des plateformes qui maximisent leurs profits en invisibilisant les vies qu’elles broient, ils paient le prix d’un système dérégulé… avec la bénédiction d’un président toujours plus complaisant envers ces géants.
Mais cela va changer. La directive européenne sur les plateformes, qui permettra notamment la requalification des livreurs en salariés, doit être transposée d’ici 2026. À nous de faire en sorte qu’elle le soit réellement.
Il y a deux semaines, l’ANSES a tiré la sonnette d’alarme : pression constante, isolement, accidents, troubles musculosquelettiques. Elle recommande d’appliquer aux livreurs les règles de santé et de sécurité du Code du travail. C’est une évidence.
En termes de coûts financiers, l’État a tout à perdre et rien à gagner à négliger ces travailleurs et leur santé. Dans la vie comme dans les politiques publiques, il y a ce qu’on peut, et ce qu’on veut. Ce qu’on veut, c’est responsabiliser les plateformes, qui doivent elles-mêmes assumer le coût de structures telles que la maison des coursiers, celui d’un équipement de travail adéquat ou encore leur faire admettre les droits sociaux des livreurs.
Dans l’immédiat, ce qu’on peut, c’est encourager la recherche, accueillir, soigner et protéger des travailleurs ultra-précaires en souffrance dans notre Ville. La Ville de Paris doit contribuer à ce travail de plaidoyer pour que l’hypocrisie des plateformes cesse, et qu’elles passent à la caisse.