Commençons par un constat qui devrait nous révolter : 90% de la logistique francilienne s’opère par la route. A Paris, les véhicules utilitaires représentent 18% du trafic parisien, partagé entre 2 tiers de véhicules légers et 1 tiers de poids lourds.
Cette situation est révoltante car aujourd’hui nous constatons 7 900 décès prématurés chaque année en Île-de-France du fait de la pollution de l’air. Et le transport routier y contribue pour 73% aux émissions d’oxydes d’azote, et 42% aux émissions de particules fines.
Cette situation est également révoltante car il n’en a pas toujours été ainsi. En 1950, le fret routier représentait seulement 30% du fret français contre 60% pour le rail, beaucoup plus écologique. Aujourd’hui, le fret routier est passé à 90% et le fret ferroviaire représente moins de 10%. Le fret fluvial a quant à lui presque disparu. C’est une véritable aberration écologique et sociale.
Une aberration écologique car une tonne acheminée en fret fluvial représente une réduction de 60% de gaz à effet de serre, en comparaison avec le transport routier. Et lorsque le fret fluvial est couplé avec le ferroviaire, ce chiffre peut atteindre jusqu’à moins 90% d’émissions.
Ce désastre n’est bien sûr pas que parisien, mais est le résultat d’une logique nationale du tout routier qui a entraîné le passage de 200 millions de tonnes de CO2 émises chaque année en 1950 à 346 millions aujourd’hui, après un pic à 530 millions en 1980.
C’est cette même logique qui avait conduit le gouvernement à fermer le train des primeurs avant de finalement annoncer sa réouverture en grande pompe il y a quelques mois.
Il est grand temps de sortir de cette logique.
A Paris, nous avons la triple chance d’avoir la Seine, des infrastructures logistiques et des infrastructures ferroviaires nécessaires pour effectuer cette mutation. Nous pensons par exemple au développement de la logistique urbaine prévu au sein du projet de la ZAC Bercy Charenton qui prévoit la création d’un hôtel logistique. Ce lieu est représentatif des possibles que nous offrent les infrastructures de la ville de Paris : d’un côté la Seine, un hôtel logistique et de l’autre l’opportunité du ferroviaire. C’est pourquoi nous sommes tant attachés à la préservation et à la relance de la petite ceinture ferroviaire qui permettrait un fret écologique au cœur de la capitale.
Nous connaissons les freins réglementaires, la mise à niveau nécessaire des infrastructures et l’adaptation de la fiscalité des terminaux ferroviaires urbains, mais cette évolution est cruciale si nous souhaitons réduire nos émissions de carbone.
Enfin, les métiers de la livraison se développent et se diversifient très rapidement. Aujourd’hui, les métiers de chargement et de déchargement sont parmi les plus risqués avec 82% de maladies professionnelles concernant des troubles musculosquelettiques et plus de 9 accidents sur 10 qui ont lieu lorsque le véhicule est à l’arrêt. Nous pensons également aux livreurs à vélo dont le sujet revient régulièrement au conseil de Paris.
Une statistique montre aujourd’hui que plus de la moitié des livreurs des plateformes ont déjà subi un accident de la route, et 70% d’entre eux sont mal logés. C’est pourquoi le dispositif de maison des coursiers porté par ma collègue Barbara Gomes est crucial pour accompagner ces livreurs vers une stabilité.
Depuis la création de la maison des coursiers, plus de 30 livreurs ont pu être accompagnés contre 15 initialement prévus. Un accompagnement vers la régularisation, vers l’emploi et vers les soins. Sur les 30 livreurs, la moitié sont aujourd’hui embauchés et 5 sont désormais en CDI.
Nous pensons donc qu’il est nécessaire de renforcer ce dispositif afin de sortir des logiques de précarité des plateformes numériques.
Il est grand temps de construire une logistique vertueuse, et pour l’environnement, et pour les droits des travailleurs.