Le plan local d’urbanisme est l’un des enjeux centraux de cette mandature. On le comprend au regard de l’urgence climatique et écologique que l’on connait ; mais le défi est aussi social, spécialement depuis la crise sanitaire. Le PLU doit en être le reflet. Et pour cela, permettez-moi de vous parler des emprises hospitalières dans notre Ville. Alors, vous allez peut-être me dire : « mais quel rapport donc le rapport avec un projet d’aménagement et de développement durable ? »
Je vais prendre un exemple concret, actuel, celui de l’hôpital Bichat. Vous le savez – ça fait des mois et des mois que je vous en parle ici - cet hôpital public est menacé de fermeture, tout comme l’hôpital Beaujon à Clichy, sous prétexte de la création d’un mastodonte hospitalier à Saint Ouen. Je dis bien mastodonte puisque l’on parle de concentrer sur un seul et même site plus de 120 000 passages annuels aux urgences, ce qui, d’après l’Autorité environnementale, va accroître les flux de circulation routière de 15% à Saint-Ouen. Faites un tour au centre-ville à 7h du matin et rien que pour ça vous comprendrez vite l’aberration de ce projet…
On ne peut pas avoir comme caps de voter des objectifs climatiques ambitieux qui encadreront les projets d’aménagement à Paris, et dans le même temps demander à nos voisines de Plaine Commune de déroger à leur PLU bioclimatique pour réduire par trois les prescriptions d’espaces libres, par cinq celles relatives aux espaces végétalisés, par sept celles relatives à la proportion de pleine terre, le tout en fermant un hôpital indispensable au Nord de Paris. Parce que c’est ça, le projet de Grand Hôpital Nord.
Paris ne peut pas réaliser sa transition écologique en externalisant sans cesse ses activités essentielles et en demandant aux autres de faire les efforts à sa place ! C’est inacceptable.
Alors je pose la question : Quel est le sens du développement durable que nous voulons pour Paris ? Peut-on vraiment faire du climat et de la préservation de l’environnement une priorité, mais continuer d’entériner des projets écocides tant que ce n’est pas chez nous ?
Et puisque j’évoque les emprises hospitalières, j’en profite pour évoquer le cas l’Hôtel Dieu. Parce que là dans le genre scandale absolu on est quand même pas mal non plus.
Ça fait plus de 20 ans que l’offre de soins, hospitaliers comme de Ville, manque cruellement à Paris :
- 1 personne sur 3 renonce à se soigner pour des raisons financières dans notre Ville
- Paris détient le record des dépassements d’honoraire en France.
- Nous ne disposons que d’1 médecin traitant pour 10 000 habitants
- Et 50% des médecins à Paris vont partir à la retraite dans 3 ans.
Je pense ne pas avoir besoin de continuer à dérouler cette triste liste pour me faire comprendre…
Donc en résumé, on manque d’offre de soins à Paris. Pourtant à l’Hôtel Dieu il y a des locaux vides, depuis des années. Va-t-on en profiter pour ENFIN y remettre des soins hospitaliers de qualité au service des parisiennes et des parisiens qui souffrent tant de ce déficit d’offre de soins ?
Et bien non mes chers collègues ! Parce qu’on va y mettre des commerces mes chers collègues !! C’est Novaxia, l’heureuse élue qui va récupérer plusieurs milliers de mètres carrés de l’hôpital, pour y installer des commerces de luxe et un restaurant gastronomique. On rêve ! C’est Ubuesque ! En plein cœur du 4ème arrondissement, au milieu de la Samaritaine, du BHV, des Halles, de Rivoli,... on va encore avoir des commerces de luxe, si utiles à la population, tellement plus utiles qu’une offre publique hospitalière n’est-ce pas…
Donc, bon, quand je lis dans ce PADD que l’on veut lutter contre la concentration des flux humains, notamment issus du sur-tourisme qui déséquilibre les vocations de certains quartiers de Paris, ou encore que l’on veut réinterroger la soutenabilité de ce modèle et l’empreinte carbone qu’il suppose… Permettez-moi de vous dire qu’il serait impassable de ne pas prendre ce problème pleinement en considération. Parce que si on déclasse une partie de l’emprise hospitalière de l’Hôtel Dieu au profit du commerce et de la restauration à Paris Centre à destination, notamment de touristes fortunés, je ne suis pas certaine qu’on soit très alignés sur les objectifs affichés.
Parce que finalement, tout l’objet de ce PADD, et du PLU en général, c’est de savoir ce que l’on fait de l’espace, comment on le distribue, comment on le rapproche des besoins des Parisiennes et des Parisiens. J’attends l’argument qui permet de dire qu’il est bien fondé de vendre un tiers d’une emprise hospitalière à un promoteur immobilier pour ajouter du commerce et de la restauration de luxe à Paris Centre. J’attends l’argument qui nous permet d’être à l’aise pour voter des objectifs climatiques et dans le même temps, accepter des projets pareils.
Du côté du groupe communiste et citoyen, c’est une contradiction que nous refusons d’aller porter devant les Parisiennes et les Parisiens. Une emprise hospitalière ça ne sert pas à faire du commerce, jamais, et encore moins dans un arrondissement largement doté en la matière. On ne réduit pas le capacitaire hospitalier dans une Ville où le soin est déficitaire. Et ça, mes chers collègues, ça passe par la préservation, sans tergiversation et sans concession, des emprises hospitalières et de leur vocation hospitalière.
C’est l’une des lanternes qui guideront les communistes sur le choix des voies à emprunter pour l’aménagement du territoire, qui nous ont guidés sur ce PADD et qui nous guideront jusqu’au vote du PLU.
A Paris, nous avons besoin d’hôpitaux de proximité, mais nous avons aussi besoin d’une médecine de Ville accessible à toutes et tous dans des délais raisonnables. Et particulièrement le cas dans les quartiers populaires, où la dissuasion financière sévit sur la santé des habitantes et des habitants. C’est pourquoi nous portons la proposition forte d’une puissance publique, d’une collectivité territoriale, qui prend ses responsabilités dans les quartiers où l’offre de soins est la plus déficitaire.
C’est d’ailleurs pourquoi nous proposons le maillage de nouveaux centres de santé municipaux dans les quartiers où l’offre de soin libérale fait défaut, y compris lorsque des dispositifs incitatifs en la matière existent.
Vous l’aurez compris, notre mot d’ordre est la relocalisation. Relocalisation du soin à Paris, relocalisation des équipements de proximité qui lui sont essentiels, mais aussi relocalisation de la production. La crise environnementale nous alertait déjà sur la nécessité d’infléchir notre dépendance à l’économie touristique… la crise sanitaire est venue confirmer l’urgence d’en sortir. Pour ce faire il nous faut favoriser les circuits-courts, et soutenir le tissu artisanal existant et en favoriser le développement.
Les débats sur l’urbanisme ont toujours été pour nous l’occasion de rappeler que la Ville dispose d’outils à cet égard, qu’elle peut mettre en place un mécanisme de protection et de reconquête des lieux de production. Elle peut, par exemple, réserver des pourcentages de surface dédiée à la production dans chaque nouvelle zone d’aménagements. Les bailleurs sociaux de la Ville sont d’ailleurs d’excellents partenaires en la matière, capables de nous aider à réaliser des espaces mutualisant logements, ateliers et tiers-lieux, et je pense que la réflexion a beaucoup progressé en la matière lorsque l’on voit l’exemple qui nous est offert par la ZAC Gare des Mines aujourd’hui, dans laquelle plusieurs milliers de mètres carrés seront pleinement consacrés à l’installation d’activités artisanales.
Mes chers collègues il est plus que jamais nécessaire de dessiner un territoire qui réponde aux besoins les plus essentiels ; la santé, le logement, la production locale. Il faut maintenir, il faut relocaliser, il faut développer les équipements et les infrastructures qui les rendent accessibles. Tel sera le gage d’un PLU qui répond aux besoins de son temps.
Je vous remercie.