Pourquoi évoquer aujourd’hui la procédure de débaptisation de l’avenue Bugeaud dans le 16ème arrondissement ?
Notamment, parce que Thomas Robert Bugeaud est une figure notoire de la colonisation de l’Algérie par la France au 19ème siècle.
Mais à quel prix ce projet impérialiste et colonisateur a pu rencontrer le succès qu’on lui connaît, si ce n’est en usant de modes opératoires redoublant de cruauté, dans l’objectif d’anéantir de spolier et d’humilier les populations locales : razzia, aménagements de douars pour mieux y exploiter ses habitant·es, expropriations, destruction des villages et massacres.
Mettant en oeuvre la politique de la terre brûlée, Bugeaud se vantait de pratiquer les « enfumades » lorsqu’il s’agissait d’asphyxier les résistant·es qui quittaient leurs villages et se réfugiaient dans des abris naturels.
Mais son rôle de bourreau ne s’est pas cantonné qu’à l’Algérie. Son impopularité était tout aussi réelle à Paris lorsqu’il écrasa l’insurrection de février 1848. Il en fut écarté par Louis Philippe craignant que Bugeaud n’attise un peu plus la haine des insurgé·es.
Nous pensons que les tenants d’un passé funeste, auteurs de massacres et de ce qui s’apparenterait aujourd’hui à des crimes de guerre, ne méritent plus d’avoir leurs noms inscrits dans l’espace public parisien.
Cette situation nous astreint à un travail exigeant d’observations des noms qui baptisent nos espaces et équipements publics. Pour porter une analyse critique rigoureuse des noms qui charrient avec eux des inégalités systémiques et structurelles inhérentes aux héritages historiques de l’esclavage, du racisme, du colonialisme et de l’impérialisme.
Cette tâche est juste et nous incombe, par respect pour les générations futures.
Mais jamais elle ne doit nous départir de notre rôle de promoteur du débat public sur ces héritages plus que jamais contestés aujourd’hui. Notre rôle est bien de continuer à expliquer les traces de notre histoire. Cette débaptisation nous permettra de rendre ici un hommage ému à Hubert Germain, ancien résistant, compagnon de la Libération et ministre décédé en 2021.
Hubert Germain, dernier des hommes à avoir combattu sous le drapeau de la croix de Lorraine des Forces françaises libres (FFL) inhumé au mont Valérien aux côtés des résistants fusillés par les nazis En cela, il s’agit vraiment d’un acte qui fera date.