Selon le ministère de l’intérieur, l’année 2023 a été particulièrement marquée par l’explosion des atteintes à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux qui augmenté de plus de 32 %.
Selon le dernier rapport de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), l’année 2023 a également été marquée, depuis le 7 octobre, par un nombre d’actes antisémites, je cite, « exceptionnellement élevé, qui rappelle de manière brutale la persistance de l’antisémitisme dans notre pays ». 1 676 actes antisémites, dont la plupart ont eu lieu le dernier trimestre, ont été comptabilisés en France en 2023. Soit quatre fois plus qu’en 2022, ce qui constitue une hausse inédite. Le rapport souligne que le conflit israélo-palestinien a souvent déclenché en France des vagues de racisme et d’antisémitisme mais jamais à un tel niveau.
Ce qui s’est passé dans la nuit de 13 au 14 mai au mémorial de la Shoah en est un exemple glaçant. Cette nuit-là, le Mur des Justes situé où sont apposées des plaques listant les 3 900 hommes et femmes qui ont contribué à sauver des juifs pendant la seconde guerre mondiale, étaient tagués de mains rouges. Des écoles, des lieux de cultes également. C’est inadmissible. C’est d’autant plus condamnable que cet acte de vandalisme survient en cette date anniversaire de la rafle du 14 mai 1941durant laquelle plus de 3 700 Juifs du Marais et de la région parisienne ont été arrêtés, transférés dans les camps du Loiret avant d’être déportés au camp d’Auschwitz-Birkenau. Les idées de division, de haine et de xénophobie, les discours qui visent à dresser les citoyens les uns contre les autres n’ont pas leur place dans le débat démocratique et républicain.. Alors que la montée du FN décomplexe de plus en plus certains de nos concitoyens, nous devons, nous responsables politique et institutionnels, être aux aguets, sans se tromper d’ennemis. Selon ce même rapport, la « figure de l’immigré » est aujourd’hui particulièrement visée. La CNCDH pointe la responsabilité de certains acteurs médiatiques et du Rassemblement national dans cette montée de la xénophobie. Il pointe justement que « L’immigré devient de plus en plus le réceptacle commode de toutes les critiques, et qu’il a été régulièrement pointé du doigt comme responsable des difficultés rencontrées dans nos sociétés. » C’est d’ailleurs par ces mots que Jean-Marie Burguburu, président de la Commission a tenu à introduire son rapport pour pointer l’importance du fait. Dans ce contexte, le travail du mémorial de la Shoah est particulièrement important. Nous savons tous ici qu’au-delà de l’organisation des voyages scolaires à Auschwitz, voyages essentiels pour transmettre la mémoire de la shoah, ses activités sont bien plus diverses, nombreuses. Le mémorial forme, archive, accueille des classes, valorise l’ouverture à d’autre cultures, met en perspective des faits historiques, d’autres génocides, afin que le pire ne se produise plus ( !)
Son combat contre l’antisémitisme est fondamental, mais il est tout autant anti racisme et sa programmation le prouve tout au long d’année 2024. Une année 2024 riche où le mémorial interrogera la capacité des Jeux olympiques à dépasser la question des préjugés et des discriminations. Où il reviendra sur la 30e commémoration du génocide des tutsis ; Une année durant laquelle il valorisera le rôle des FTP MOI et en particulier du groupe Manouchian dans la résistance… autant de sujets à la fois fondamentaux et centraux pour notre histoire commune, pour permettre des mises en perspective historique
Le travail du mémorial s’inscrit dans une démarche nécessaire. Il en va de nos valeurs antiracistes fondamentales, fondements de la société à laquelle nous aspirons. Alors que nous traversons une des pires crises depuis la seconde guerre mondiale, je finirai en citant Franz Fanon, qui avait souvent le mot juste, « Quand vous entendez dire du mal des juifs, tendez l’oreille on parle de vous ».
Et j’irai jusqu’à reprendre Anne Sinclair qui évoquait il y a peu la fameuse citation du pasteur allemand Martin Niemöller « Quand les nazis sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste. Quand ils ont enfermé les sociaux-démocrates, je n’ai rien dit, je n’étais pas social-démocrate. Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste. Quand ils sont venus me chercher, il ne restait plus personne pour protester » et Anne Sinclair de rajouter, à propos du FN « Je ne voudrais pas qu’on ajoute : "Quand ils sont venus chercher les musulmans, je n’ai rien dit ». L’histoire nous regarde, mes chers collègues, soyons à la hauteur.