Je reviendrai sur le fonds de la réforme à laquelle nous contraint le gouvernement et dont l’aménagement parisien nous est proposé aujourd’hui. Si la loi demande la suppression de 8 jours de congés afin de respecter les 1607 heures annuelles effectives, libre aux administrations de décliner cette suppression en s’appuyant sur les différents leviers dont peuvent disposer les collectivités : les sujétions mais aussi les jours fractionnés…
Sur la question des sujétions, la loi de 2001, la dernière qui a permis un réel débat sur la question du rythme de travail, avait permis d’apaiser un climat municipal difficile. L’accord aujourd’hui proposé revient dessus sans s’être donné les moyens d’un dialogue social abouti. Il s’est fait dans l’urgence sans que jamais l’État ne soit mis dans la boucle pour vérifier que les propositions construites avec les organisations représentatives des personnels seraient validées par le contrôle de légalité. C’est un risque majeur qui est pris ici et les conséquences en cas de non acceptation pourrait s’avérer désastreuses pour les agents de la ville de Paris.
Ma collègue Raphaëlle Primet l’a souligné : les métiers dont les pénibilités sont les plus fortes voire se cumulent, sans que ce soit pris en compte, sont les grands perdants dans cette réforme. L’effort est certes collectif mais il repose encore trop sur les métiers les plus pénibles, les durs. Or, comme l’a souligné l’intersyndicale que nous avons quasiment tous rencontré, « pour un égoutier, le temps ce n’est pas de l’argent, c’est de la vie », sa durée de vie diminuant de 17 ans.
Néanmoins, avec le groupe communiste et citoyen, nous avons choisi de déposer des amendements pour revenir sur certaines sujétions qui nous semblaient perdre le plus.
Nous avons été en partie entendus puisque les animateurs qui passeront du niveau 2 au niveau 4. Ce corps très majoritairement féminin (63% des titulaires et 80% des contractuelles sont des femmes) n’était pas reconnu à sa juste valeur alors que leur investissement dans l’action municipale. Ce métier aux rythmes saccadés dans la semaine comme tout au long de l’année bénéficiait d’une sujétion particulière qu’il est important de sauvegarder afin que les temps d’animation, essentiels au bien-être des élèves, soient respectés.
De la même manière, nous avons été entendus sur la question des agents d’accueil qui sont la porte d’entrée de nombreux dispositifs parisiens. Dans les mairies d’arrondissement, à l’accueil, du gardiennage comme dans les service à la population, dans les CASVP, au niveau des services d’Aide Sociale à l’Enfance, des assistant·e·s socio-éducatifs, des bureaux de recrutement, dans les bureaux des marchés de quartier, dans les bureaux du logement des relations avec le public… dans tous ces services, les niveaux de sujétions sont réévalués et nous nous en félicitons.
Ces agents qui travaillent au contact du public dans les fonctions d’accueil et d’instruction des droits sont fréquemment exposé·e·s à des actes de violence physique et verbale. Ces professions souffrent d’un manque d’effectifs dû à la perte d’attractivité de leurs métiers, qui sont à la fois peu valorisés et souvent mal rémunérés en comparaison des risques psycho-sociaux générés par leurs missions. C’est la raison pour laquelle nous avions repris la proposition de l’intersyndicale de remonter le niveau de sujétion. C’est chose faite. Nous avons été entendus.
C’est une véritable victoire qui prouve à la fois que la lutte paie et qu’avoir des élu.es communistes au sein d’une majorité contribue à porter des valeurs sociales essentielles à notre démocratie sociale, au dialogue social, parmi lesquelles la pénibilité au travail qui n’est pas des moindres.
Néanmoins, nous avons porté d’autres amendements qui n’ont pas été retenus.
Sur les métiers d’accueil téléphonique à travers les opérateurs et opératrices du 3975, la question est là encore cruciale. Ils sont à la fois la vitrine des politiques publiques de la municipalité, astreints à une adaptabilité permanente pour être en capacité de répondre aux usagers de ce service téléphonique essentiel de la Ville de Paris, et confrontés à la détresse d’usagers en difficulté face à la dématérialisation croissante des services publics et autres procédures administratives.
Tous les métiers que nous vous avons proposés de réévaluer représentent des corps très féminisés. Si les personnels des crèches, comme dans d’autres corps très féminisés, ont vu leur sujétion augmenter d’un niveau, cela ne permet en réalité que de neutraliser la perte de congés ; en aucun, cela ne permet de travailler moins qu’à l’heure actuelle.
Quant à la durée annuelle du temps de travail nous proposons de créer une sujétion spécifique dans le cadre de la spécificité parisienne qui intègre les nuisances sonores et la pollution environnementale. Précisons que cette spécificité est l’aboutissement de la négociation. Cependant, si le temps de travail a toujours été présenté en heures, dans le cadre du dialogue social et du règlement qui nous est présenté, la réduction du temps de travail a toujours été présentée en journées. Or, cela fait perdre très exactement 1h48 : récupérer cette 1h48 permet de lisser une perte d’heures travaillée à l’année et créer une nouvelle sujétion. C’est ce que nous proposons ici de corriger.
Autre sujet qui a son importance pour les agents parisiens qui vivent pour près de 70% d’entre eux en dehors de Paris et passent, pour ne pas dire perdent, plusieurs heures dans les transports en commun : la question du temps dans les transports. Dans une région où les transports en commun connaissent des congestions importantes, des retards inadmissibles et pourtant tellement récurrents, il n’est pas normal que cette donnée n’intègre pas le cadre du règlement qui nous occupe.
Nous continuerons de nous battre pour que plus de logements sociaux soient dédiés aux agents de la ville. Nous continuerons de nous mobiliser pour que leur pouvoir d’achat, en particulier leur point d’indice, augmentent… mais en attendant, des collectivités comme la nôtre doivent être en capacité d’intégrer cette donnée qui altère la santé et la fatigue de nos agents.
Quant à la restauration collective, le traitement des minutes prolongées pour s’y rendre lors de la pause méridienne fait partie de ces détails qui rendent le projet global discutables. Des minutes pour se rendre sur son lieu de restauration, d’autres pour s’habiller et se déshabiller, d’autres encore pour préparer de manière dite « officielle » son travail… autant de minutes qui augmentent le temps de travail global.
Enfin, je conclurai sur les cycles de travail des agents à l’horaire fixe qui seront débattus à l’automne. C’est pourtant bien le moment où tout sera remis à plat, où toutes les cartes seront rabattues et où, direction par direction, les agents comprendront les effets directs de cette réforme sur le temps de travail.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, nous avons bien conscience que cette réforme, personne sur les bancs de la gauche ne l’a souhaité, ni ne l’a voté. L’effort de l’exécutif qui a choisi de retenir certains de nos amendements les plus importants est réel. C’est pourquoi, sur cette délibération, nous ne voterons pas contre, nous ne voterons pas pour non plus, nous choisissons de ne nous abstenir.