Beaucoup débattent de la (légère) baisse de la démographie à Paris. Mais bien peu s’intéressent à la véritable cause de cette baisse : l’augmentation exponentielle du nombre de résidences secondaires et de logements vacants. Il y a moins d’habitants à Paris tout simplement parce qu’il y a de moins en moins de logements disponibles comme résidences principales. Et c’est un drame, quand on sait que des milliers de personnes sont à la rue en Ile-de-France, que des centaines de milliers attendent un logement social.
Il y a plus de 130 000 résidences secondaires à Paris et plus de 120 000 logements vacants. Pas moins de 250 000 logements vides ou très peu occupés. L’équivalent du 15e et du 16e arrondissement entièrement vides tous les soirs. Un vrai scandale pour le droit au logement. Le pire est que ces nombres augmentent. Il y a dix ans, il n’y avait selon l’Insee que 85 000 résidences secondaires et 110 000 logements vacants. En 10 ans, 55 000 résidences principales ont disparu.
Une question de fond est posée : quel droit doit primer ? Droit à la propriété ou droit au logement ? Le droit de posséder une résidence secondaire ou même un logement vacant en plein Paris - même si on ne l’occupe jamais quand on en a les moyens - ou le droit d’avoir un toit au-dessus de la tête tous les soirs ? Avec Ian Brossat, adjoint à la maire de Paris en charge du logement, nous avons proposé dès 2013 d’augmenter la taxe sur les logements vacants, et créer une taxe spécifique sur les résidences secondaires en zones tendues.
De notre point de vue, le droit au logement doit primer sur le droit de la propriété. Il y a de plus en plus de personnes assez fortunées en France et dans le monde, qui ont les moyens de posséder un pied-à-terre à Paris même s’ils n’y passent que quelques jours par an, ou qu’ils le laissent vide. Mais si on laisse ces centaines de milliers de personnes assez aisées exercer librement leur droit de propriété, Paris comme les plus grandes villes du monde deviendront des villes invivables. Des villes dont les centres ne seront plus que des lieux d’exposition des signes extérieurs de richesses que constituent des logements vides. A Paris, le droit au logement fait l’objet d’une politique municipale depuis bientôt dix ans. Son principe est simple : il faut un outil fiscal de régulation, une taxe, pour pénaliser les propriétaires qui n’occupent pas leurs logements dans les zones où la demande est très forte comme Paris. Et cette taxe doit être d’autant plus élevée qu’il y a des milliers de personnes qui sont en attente de ces logements. Elle doit être assez élevée pour décourager un maximum de propriétaires de laisser leurs logements vides alors que des personnes dorment à la rue juste à côté.
Le parlement a accepté en 2014 de créer une taxe d’habitation additionnelle pour les résidences secondaires dans les zones tendues, mais avec un taux plafond très faible (une surtaxe de 20% par rapport à la TH). La ville de Paris l’a mise en place immédiatement comme une centaine d’autres villes, dont la plupart à majorité de droite. Depuis 2014, nous demandons que cette surtaxe atteigne au moins 300% du montant de la taxe d’habitation et pour que la taxe sur les logements vacants soit aussi augmentée. Malheureusement en vain. Les députés ont toujours refusé de voter ces amendements, donc de libérer des milliers de logements, de faire baisser les prix de l’immobilier et d’offrir un toit à plus de mal-logés.
Leur refus s’appuie sur le principe de ne pas alourdir la fiscalité. Pourtant, ces outils fiscaux n’ont pas pour but de rapporter de l’argent, mais d’inciter les propriétaires à louer ou vendre leurs logements et donc à en gagner. Récemment à l’Assemblée, des groupes parlementaires encore plus nombreux se sont emparés du sujet et ont proposé des amendements. De très timides avancées ont été obtenues fin 2022 : une hausse de 35% de la taxe sur les logements vacants et un élargissement du nombre de communes pouvant mettre en place la taxe sur les résidences secondaires.
Dans ce contexte, l’augmentation de la taxe foncière décidée par la ville de Paris va permettre d’augmenter mécaniquement le taux de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires. Celle-ci va coûter en moyenne 3500 euros à plus de 130 000 propriétaires parisiens. Cela devrait (enfin) inciter plusieurs milliers d’entre eux à louer ou vendre leurs logements.
L’existence de ces centaines de milliers de logements vides ou très peu occupés est insupportable avant tout socialement, humainement. C’est aussi une aberration pour l’environnement : utilisons tous ces logements vides plutôt que d’avoir à construire encore plus de logements, à émettre encore plus de gaz à effet de serre, au moment où nous devons être toujours plus économes en termes de dépenses énergétiques pour affronter le réchauffement climatique.