Madame la Maire,
Cher.es collègues,
La Maison des journalistes a été créée il y a 20 ans, dans le but d’accueillir les journalistes étrangers, réfugiés ou demandeurs d’asile en France qui ont été contraint de fuir leur Pays à cause de leur profession.
Permettez-moi de rappeler ici que de nombreux journalistes exercent leur métier au péril de leur vie ou de leur liberté. L’actualité est criante : nous ne pouvons ignorer les conséquences de la guerre en Ukraine sur la diffusion de l’information, et la liberté de la Presse. Des journalistes sont tués. Les médias russes sont censurés, les citoyennes et citoyens aussi. Une récente révision de code pénal russe permet désormais l’incarcération d’une personne qu’elle soit journalistes ou non, au prétexte de lutter contre les « fausses nouvelles » à l’encontre des forces armées. Les citoyennes et citoyens risquent jusqu’à 15 ans de prison pour tout propos relevant de la guerre. Face à cette censure militaire, de nombreux médias ont mis la clé sous la porte, craignant les sanctions pour eux et leurs proches. D’autres restent pour tenter de continuer à diffuser l’information, mais dans quelles conditions…
Autre sujet d’actualité, concernant l’ancien journaliste et lanceur d’alerte Julian Assange : la Cour suprême britannique a refusé de se prononcer sur son cas et la demande d’extradition des États-Unis. Ils auraient soit disant eu des « assurances » sur la sécurité de Julian Assange. C’est totalement invraisemblable quand on sait ce qu’il endure depuis plus de 10 ans et qu’il encoure jusqu’à 175 ans de prison. Rappelons que Julian Assange est le fondateur de Wikileaks et qu’il est condamné pour avoir publié en 2010 plus de 700 000 documents classifiés (révélant notamment des crimes de guerre commis en Irak et en Afghanistan). La publication de ces documents, ne devrait pas être passible de sanctions car il s’agit d’une pratique courante du journalisme d’investigation.
De nombreuses organisation telles que Amnesty International, Reporters sans frontières, les syndicats de journalistes et la Fédération internationale des journalistes ont condamné la décision de la justice britannique au motif qu’elle constitue une menace pour le droit des médias et la publication d’informations d’intérêt public.
Je tiens à rappeler que la santé de Julian Assange est particulièrement inquiétante. En 2019 déjà, l’expression du rapporteur spécial de l’Organisation des Nations unies sur la torture était sans appel : « Julian Assange présente tous les symptômes d’une exposition prolongée à la torture psychologique : il a été délibérément exposé, pendant plusieurs années, à des formes graves de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il doit à présent être libéré immédiatement, réhabilité et indemnisé pour les abus, la persécution collective et l’arbitraire auxquels il a été exposé ».
Cette décision de la Cour suprême britannique est un coup fatal pour Julian Assange qui voit disparaitre l’un des derniers espoirs d’échapper à son extradition vers les États Unis.
Alors que la France peut agir face à cette menace, le Gouvernement a refusé la Proposition de résolution présentée à l’Assemblée Nationale le 4 février 2022, invitant le Gouvernement à accorder l’asile politique à Julian Assange et à faciliter l’accès au statut de réfugié pour les lanceurs et les lanceuses d’alerte étrangers. Ce vote défavorable est en totale contradiction avec la nouvelle loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte qui a été votée à l’Assemblée Nationale le 16 février. Pourtant, à travers l’acharnement contre Julian Assange, c’est bien la liberté d’expression que l’on veut bâillonner. Le but poursuivi est de faire peur aux journalistes, qu’ils pratiquent l’autocensure et qu’ainsi de nombreuses affaires ne soient jamais rendues publiques. La France a les moyens d’accueillir et d’assurer la protection de Julian Assange, et d’empêcher son extradition vers les États Unis. Nous portons un vœu pour que la Maire de Paris interpelle le gouvernement en ce sens et nous vous invitions à le voter Ce serait tout à l’honneur de notre collectivité de le soutenir et j’avoue, puisque je sais que ce vœu aura un avis défavorable, ne pas bien comprendre votre obstination à ne pas vouloir le soutenir. L’explication n’est pas convaincante, nous ne voudrions pas nous immiscer dans la diplomatie britannique, c’est pourtant ce que nous avons fait pour d’autres pays avec Can Dunbar, ou encore Narges Mohammadi.Paris se veut une ville qui agit pour la liberté de la presse. Chère Anne, le 3 mai dernier, à l’occasion de la journée mondiale de la liberté de la presse, vous déclariez devant les journalistes de la MDJ, l’association Lucas Dolegas et Reporters sans Frontières : “La liberté d’informer est un droit fondamental, elle tient debout notre démocratie et Paris sera toujours aux côtés de ses défenseuses et défenseurs ».
Alors, qu’attendez-vous pour soutenir celui qui est désormais le symbole de cette liberté bafouée ?
Je vous remercie