La nuit du 16 octobre était une froide nuit d’automne. Nombre de Parisiens et de Français profitaient d’une dernière soirée conviviale. Nous étions à la veille de la mise en place d’un couvre-feu dont la durée était incertaine. Ce vendredi, Samuel Paty aurait également du retrouver sa famille, sa femme, son fils. Ce soir-là, le professeur d’histoire-géographie a été lâchement assassiné par le plus terrible des obscurantismes.
Ce crime atroce avait alors provoqué un émoi dans tout le pays. Samuel Paty avait été assassiné simplement pour avoir fait son travail : transmettre son savoir et enseigner la liberté d’expression. Il avait joué son rôle avec courage et détermination : un gardien des Lumières tombé face au fanatisme le plus vil.
En s’attaquant sauvagement à cet homme, l’assaillant a fait le choix d’assiéger une institution au cœur de la République. Il s’est attaqué à l’enseignant, au hussard, à celles et ceux qui chaque jour font naître l’esprit critique et la connaissance. Il s’est attaqué à un idéal : celui de l’instruction publique, gratuite et obligatoire. Celui des portes de la science toutes grandes ouvertes à toutes les intelligences. Celui de la rationalité, de l’analyse rigoureuse et du travail de recontextualisation, face à la déraison, à la polémique, au climat d’indignation systématique, à un modèle médiatique perfusé à la rumeur, au « buzz », à la petite phrase, à la polémique qui se répand dans le débat public.
Il s’est attaqué à un modèle propre à notre pays qui veut que partout où il y a un village, une ville, partout où il y a un esprit, qu’il y ait aussi un livre. C’est-à-dire qu’il n’y ait pas une commune sans école, pas une ville sans collège, pas une métropole sans université. En un mot : l’échelle de la connaissance humaine accessible à toutes et tous.
En s’attaquant à Samuel Paty, c’est tout le personnel éducatif qui a été touché. Des enseignants, des professeurs, des agents municipaux chaque jour au service de la transmission du savoir. qui oeuvrent souvent avec courage et détermination, parfois dans un sentiment d’ingratitude, toujours dans des conditions difficiles.
Au Groupe Communiste et Citoyens, nous regrettons la surdité du gouvernement face aux revendications des enseignants. Nous regrettons que depuis le début du quinquennat, il y ait eu plus de sept mille quatre cent suppressions de postes dans les collèges et les lycées. Nous regrettons que le point d’indice des salaires soit gelé depuis désormais 11 ans. Ni fainéants, ni héros, les enseignants doivent simplement disposer des moyens nécessaires pour permettre à tous les élèves de pouvoir s’instruire et s’émanciper.
Répondre à la hauteur de ce crime, qui atteint nos valeurs et par la même l’amour du savoir et de la connaissance qui se propage, c’est engager une politique de justice sociale et d’égalité réelle entre les citoyens. Une politique de développement des services publics, de perspective d’emploi pour la jeunesse, de développement du sport et de la culture, de lutte contre les discriminations, contre le racisme qui mine le vivre ensemble, la promesse républicaine d’une égalité des droits. C’est sortir de l’État d’urgence permanent, aujourd’hui dans notre droit commun. Nous ne répondrons jamais au terrorisme par la restriction, mais par la liberté.
Face à cette attaque, nombreux sont celles et ceux de droite extrême ou d’extrême droite qui ont tenté d’aiguiser les haines et brandir les logiques d’amalgame. Les Parisiennes et les Parisiens ont su, eux, rester unis, soudés à ces gardiens de l’obscurité. Ils ont su trouver le sursaut de l’humanité, de l’humilité et de la solidarité qui constituent les bases du vivre ensemble dans notre pays. Aucune Parisienne, aucun Parisien ne doit être stigmatisée du fait de sa religion. Chacun doit pouvoir se sentir libre de croire ou de ne pas croire.
Nous avons tous en mémoire un enseignant ou une enseignante, comme Samuel Paty, à qui nous devons beaucoup dans notre construction de citoyen et de citoyenne éclairé. Samuel Paty savait combien il était précieux de permettre à ces élèves de s’ouvrir à de nouveaux horizons et à l’altérité, quitte à apprendre à savoir quitter sa zone de confort et parfois penser contre ses propres convictions et préjugés. C’est pourquoi, son nom sera à sa juste place sur ce square rue des Écoles, face à la Sorbonne, ce haut lieu de la transmission du savoir. Comme lorsqu’il enseignait, il continuera ainsi de se trouver du côté des Lumières et de la connaissance. Aujourd’hui, sa mort nous oblige à honorer et à poursuivre son combat.
Je vous remercie.