Communistes Paris

L’Etat chez lui, l’Eglise chez elle

Subventions (842.801 euros) et avenants avec l'association "Gan Menahem" pour ses 4 établissements d’accueil de la petite enfance.

Mixité sociale et scolaire

Voici donc revenu le temps du débat sur les crèches confessionnelles. Je dirais juste, et on sera peut-être d’accord, qu’il est bien peu oecuménique de mettre ce sujet à l’ordre du jour de notre premier Conseil, mais bon, les voies de la Ville de Paris sont elles aussi impénétrables.

De quoi parlons-nous donc ? De crèches auxquelles notre Ville délègue son service public, mais, hélas, et c’est là qu’est l’os, des crèches à caractère confessionnel. C’est tout à fait respectable en soi, bien sûr, mais la loi sur la laïcité bien comprise ne peut que nous amener à contester le fait que cela se fasse sur les deniers publics dans le cadre d’une délégation de service public.

Nous le redisons donc ici, la laïcité est un principe fondateur de notre République qui s’impose à tous et en particulier à nos collectivités territoriales. La laïcité est la condition du savoir-vivre où chacun, dans une sphère privée, est libre d’exercer le culte qu’il souhaite. "L’Etat chez lui, l’Eglise chez elle", effectivement, Danielle l’a rappelé. L’exigence de neutralité de l’action publique en découle. C’est en ce sens que l’Etat et les collectivités ne doivent pas subventionner d’institutions confessionnelles en délégations de service public. Pour les nouveaux élus et les nouvelles élues de cette Assemblée, je décris le triptyque.

L’Association familiale catholique s’engage, je cite, à "promouvoir une vision de la famille éclairée par l’enseignement de l’Eglise en s’inspirant de l’enseignement social de l’Eglise catholique." L’association "Ozar Hatorah", elle, affirme que "les valeurs morales universelles de la Torah guident nos pratiques au quotidien". Vous m’accorderez qu’il n’y a pas vraiment de doute sur leur caractère confessionnel. Pour reprendre les mots de Jaurès, je dirais : "Nous ne faisons pas une oeuvre de sournoiserie, nous faisons une oeuvre de sincérité".

Dernier exemple en date, des inspections des services de la Ville ont eu lieu et constatent que les crèches seraient bien ouvertes les vendredis après-midi. C’était effectivement une critique que nous avions formulée, dont acte. Ces crèches seraient donc bien ouvertes les vendredis après-midi, mais - le diable se cache dans les détails - sans aucun enfant. "Fiat lux". Quelle autre démonstration faut-il faire pour voir que le recrutement des enfants se fait sur critères religieux ?

Disons par exemple - excusez-moi, c’est le mathématicien qui va parler - que sur 100 familles parisiennes, au moins 75 travaillent le vendredi après-midi. Je pense que je suis en dessous, mais admettons. Sur une crèche de 60 berceaux, quelle est la probabilité que toutes les familles ne travaillent pas le vendredi après-midi si le recrutement est ouvert à toutes et tous ? Certains auront probablement fait le calcul de tête : 1 sur 4 à la puissance 60, soit 10 à la puissance moins 37. Un milliardième de milliardième de milliardième de milliardième, le physicien que je suis dirait que la probabilité est nulle. Ainsi, pour qu’il n’y ait aucun enfant les vendredis après-midi, c’est qu’il doit y avoir une discrimination sur la religion des familles qui s’inscrivent.

Nous, les élus communistes, avions été lanceurs d’alerte dans cette Assemblée sur les discriminations religieuses dans les écoles privées sous contrat, et le sujet est encore d’actualité. Nous ne l’acceptons pas non plus dans les crèches gérant le service public de notre Ville.

Alors, certains fins connaisseurs du sujet me disent dans l’oreillette que notre position est principielle et ne prend pas en compte les évolutions de ces crèches, tout en se plaignant de notre suspicion.

Tout d’abord, si évolution il y a, c’est que problème il y avait ; la suspicion peut se comprendre. Mais, plus sérieusement, la laïcité peut être respectée à combien ? 20 %, 50 %, 75 % ? On négocie à combien ? Nous parlons précisément d’un principe, celui de la laïcité, et il est respecté ou non. Nous comprenons que des habitudes aient été prises, que, petit à petit, on veuille se convaincre qu’on avait raison, on n’aurait pas pu se tromper depuis tant d’années - c’est une défense classique. Mais de petites habitudes en petits arrangements, de petits arrangements en petits compromis, de petits compromis en grandes entorses au principe, on reste dans la faute.

Dans le passé, certains pensaient que, dans un contexte de pénurie du nombre de berceaux, ces crèches confessionnelles fournissaient des berceaux bons à prendre. Mais l’argument ne tient plus, la Ville de Paris est désormais en tête du nombre de places en crèches, puisque plus de 50 % des parents ont recours aux crèches parisiennes. D’autant que l’argent que nous mettons dans ces crèches pourrait être mis dans d’autres crèches publiques.

Bon, alors maintenant, l’important pour nous, c’est la trajectoire pour l’avenir. Vous comprendrez que nous voulons faire bouger les choses. Aussi, nous avons deux propositions. La première, c’est qu’une étude indépendante - indépendante - soit menée dans les années à venir sur la conformité de ces établissements au principe de la laïcité. La deuxième, c’est qu’une enquête de type "testing" soit menée afin d’analyser si une discrimination sur la base de la religion des familles est opérée.

Paris vaut bien non pas une messe, mais des principes, des principes et du doute, bien sûr, puisqu’ils sont à la base de notre liberté de penser.

Je vous remercie.

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