En donnant le nom de Maria Schneider à une passerelle du canal Saint-Martin, nous ne rendons pas hommage à une actrice seulement pour son immense talent. Nous honorons aussi une femme dont l’histoire incarne, à elle seule, les violences systémiques longtemps tolérées – et parfois encore couvertes – par l’industrie du cinéma.
Révélée au grand public dans Le Dernier Tango à Paris, Maria Schneider, n’a pas seulement marqué l’histoire du septième art par son interprétation, par sa présence, par sa beauté, par sa sensibilité. Elle est aussi devenue, malgré elle, un symbole des abus que l’industrie a trop longtemps tolérés. Le viol qu’elle a subi sur le tournage de ce film, orchestré par Bernardo Bertolucci et Marlon Brando sous prétexte de réalisme cinématographique, est un acte qui résonne encore aujourd’hui. Pendant des décennies, ce crime a été ignoré, minimisé, relégué au rang d’anecdote cinématographique.
Mais Maria Schneider, elle, n’a jamais cessé de dénoncer cette violence. À travers ses mots, elle a ouvert une brèche dans l’omerta qui régnait alors. Son combat, bien que solitaire à l’époque, trouve aujourd’hui un écho dans les voix de milliers de femmes à travers le monde, en particulier dans le monde du cinéma français dont de nombreuses zones d’ombres sont aujourd’hui révélées.
Le mouvement #MeToo, né aux États-Unis en 2017 et étendu bien au-delà, a permis de libérer la parole des victimes. En France, il a révélé l’ampleur des abus et des agressions subies dans l’industrie du cinéma, et bien au-delà. Ces dernières années, plusieurs figures puissantes du septième art ont été mises en cause, parmi lesquelles Gérard Depardieu, dont le procès actuel incarne le tournant que prend enfin la justice face à ces violences trop longtemps tues.
Maria Schneider aurait sans doute trouvé un certain soulagement à voir que son histoire, si longtemps passée sous silence, est aujourd’hui reconnue pour ce qu’elle fut : un crime impardonnable et un révélateur des dérives d’une industrie. Son nom, désormais inscrit sur cette passerelle, n’est pas seulement une commémoration, mais un rappel. Un rappel que nous devons, collectivement, continuer à nous battre pour qu’aucune femme, qu’aucun homme, ne subisse ce qu’elle a enduré.
Déjà en septembre dernier nous votions la Charte en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes et contre les violences et harcèlements sexuels et sexistes sur les tournages accueillis à Paris ; une charte qui rompre avec la culture du silence spéficique au cinéma où les violences systématiques sont banalisées au nom de la création artistique. Le cinéma a été, et reste encore, un théâtre de comportements inacceptables, masqués par la hiérarchie.
Toutes ces graines que plante la ville de Paris doivent permettre de la transformer en ville refuge pour les femmes, pour les artistes. Aujourd’hui, au terme de cinq mois de travaux et de 85 auditions, la commission d’enquête parlementaire sur les violences dans le secteur culturel menée par Sandrine Rousseau et Erwan Balanant présente son rapport. Leurs recommandations sont édifiantes. Ils y dénoncent des « dysfonctionnements systémiques », des « manœuvres de silenciation », des « machines à broyer des talents ».
Cela doit cesser. Nous devons offrir un monde plus sur pour ces professionnelles.
Mes chers collègues, nous devons à Maria Schneider, et à toutes les victimes de violences sexistes et sexuelles, de poursuivre ce combat. Pour que le cinéma ne soit plus jamais un espace de silence et de souffrance, mais un lieu d’expression libre et respectueuse.