Jacques Martial, c’était un homme de passions et de rencontres. Au théâtre, au cinéma, à la télévision… il portait la culture avec une générosité rare, toujours attentif aux autres et au monde qui l’entourait. Son regard, son écoute, son humour discret faisaient de lui un être profondément humain, habité par la conviction que la culture pouvait changer les vies.
Au-delà de son rôle dans Navarro, qui le fit connaître du grand public, et derrière la voix familière qu’il prêta à Samuel L. Jackson ou Denzel Washington,il y avait un artiste engagé, un citoyen passionné. Jacques croyait au pouvoir des mots et des œuvres pour rassembler, éveiller, réparer.
Oui, Jacques s’est battu pour que la mémoire de l’esclavage et la créativité des artistes ultramarins, trouvent toute leur place, avec une constance et une sincérité qui forçaient le respect. J’ai eu la chance de le voir une dernière fois sur scène en 2022, au Théâtre de l’Épée de bois, où il reprenait Cahier d’un retour au pays natal d’Aimé Césaire. Ce texte majeur, écrit en 1947, résonne toujours avec force, près de quatre-vingts ans plus tard, à l’heure où le monde continue de lutter contre le racisme , l’injustice et les discriminations.
Dans ce spectacle, Jacques transcendait les mots de Césaire : habité, vibrant, il leur donnait chair et souffle. Par la force et la profondeur de son jeu, il faisait renaître, avec une émotion palpable, la figure de l’homme noir opprimé, et rappelait que la mémoire est aussi une forme de résistance.
À Pointe-à-Pitre, où il dirigeait depuis 2015 le Mémorial ACTe, il a poursuivi ce même engagement : faire de la mémoire un espace vivant et accessible à tous. Sous sa direction, ce lieu consacré à l’histoire de la traite négrière, de l’esclavage et de ses abolitions est devenu un centre d’éveil, de dialogue et de transmission. Très attaché à ses racines d’outre-mer, il n’y voyait non pas un devoir de souvenir figé, mais une promesse d’avenir et de fraternité.
À Paris, comme adjoint chargé des outre-mer, il mettait la même énergie Il exerça cette mission avec la même passion, la même bienveillance. Jacques savait écouter, comprendre, encourager. Il aimait faire émerger les voix souvent invisibles, convaincu que la culture n’est pas un luxe, mais une manière d’être ensemble. On se souvient de cette visite où, sans protocole, il s’était assis par terre parmi les enfants pour écouter leurs créations : un geste simple, mais profondément révélateur de son humanité. Ce qui le rendait unique, c’était son humanité, sa curiosité, sa bienveillance teintée d’humour. Qui ne se souvient pas ici d’une de ses phrases pleines d’esprit, d’un clin d’œil complice ?
Jacques était un grand homme, au sens propre comme au figuré : du haut de son mètre 90, il prenait toujours soin de se pencher pour nous parler, avec attention et proximité. Il savait donner aux autres confiance et courage, sans jamais imposer son autorité. Sa présence, son regard attentif, son sourire et sa façon d’accompagner les projets laissent une trace profonde, bien au-delà des fonctions officielles ou des titres.
Nous garderons de lui l’image d’un homme convaincu que la culture, la mémoire et le partage ont le pouvoir de transformer une ville et ses habitants. Il n’était pas seulement un artiste et un élu engagé : il était un compagnon de route, un passeur de mémoire et un témoin de la richesse et de la diversité de nos vies communes.
En tant que présidente de la commission Culture , je suis profondément émue par sa disparition. Sa présence nous manquera lors de nos prochaines réunions, mais son regard bienveillant, son engagement et sa voix continueront de nous inspirer.
Au nom du groupe communiste, j’adresse mes pensées les plus sincères à ses proches, et tout particulièrement à son mari. Merci, Jacques, pour tout ce que tu as porté et fait vivre au cours de cette magnifique vie.