Tour à tour écrivain, ingénieur, musicien, chanteur, traducteur, peintre, parolier, critique musical, inventeur, pataphysicien… Boris Vian est un touche-à-tout inclassable dont l’œuvre résonne sur plusieurs générations depuis sa mort ; un artiste au cœur si fragile qui se brisa à l’aune de ses 39 ans.
Boris Vian est avant tout une figure marquante de notre ville. Un parisien qui passa de la rive gauche à la rive droite, d’un arrondissement à l’autre.
On pense d’abord à Saint-Germain des Prés qui à l’après-guerre devenait l’épicentre de la vie intellectuelle, culturelle et mondaine. Un quartier où les caves se transformaient en salles de concerts avec une bande son nouvelle venue d’outre atlantique et l’explosion du jazz à Paris. Boris Vian en infatigable trompettiste et écrivain d’un style nouveau était alors l’un des animateurs de ce quartier qu’il a participé à réveiller à l’après-guerre.
On pense aussi à Montmartre et en particulier à la Cité Véron où il avait ses habitudes à la fin de sa trop courte vie. Il s’était installé dans cette cité tellement pittoresque et partageait la terrasse qui dominait le Moulin Rouge avec la famille de son grand ami Jacques Prévert.
Mais, on ne pense jamais ou si rarement au 10e arrondissement dans lequel il a pourtant vécu avec sa première épouse femme Michelle dès 1942 au 98, rue du Faubourg Poissonnière (10e). C’est pourtant bien là qu’ils s’installèrent avec leur bébé Patrick pour commencer leur vie familiale.
C’est dans cet appartement qu’il écrivit les deux des titres qui ont participé à sa postérité ainsi qu’à renommée internationale. D’abord, L’écume des jours dont l’histoire farfelue mettant en scène des duos amoureux modernes a rythmé la vie de nombreux adolescents. Boris Vian aurait-il imaginé, dans ce petit appartement, que ce livre deviendrait un classique de la littérature française, un ouvrage recommandé par les programmes scolaires, un roman qui deviendrait la porte d’entrée de tant de jeunes vers la littérature et vers le monde adulte ?
C’est également faubourg Poissonnière que J’irais cracher sur vos tombes vit le jour sous la plume jugée scandaleuse, enragée et tragique de Vernon Sullivan, son fameux pseudo, sous lequel il se faisait passer pour un chroniqueur traducteur en contrat avec Gallimard. Ce pamphlet sous forme de polar s’en prend à la condition des Noirs face au racisme des Blancs, dessine la noirceur d’un monde sans concession et condamne le racisme sous toutes ses formes, dans une période historique marquée par l’antisémitisme et l’apartheid.
Ce Paris de l’après-guerre qu’il contribua largement a changé, a révolutionné vaut cet ultime hommage qui clot un une vie trop courte brisé par un cœur trop fragile.
Boris Vian nous fait voyager intra-muros. Nous proposons avec cet hommage de clôturer ce voyage par une ultime étape faubourgeoise, ancrée dans un Paris plus populaire.