Depuis des décennies, l’UNRWA fournit à la population de Gaza des services essentiels : éducation, santé, protection, formation professionnelle, soutien psychosocial et bien sûr aide humanitaire. Mais en janvier 2024, tout s’est effondré lorsque Israël a accusé des fonctionnaires de l’UNRWA d’avoir participé aux attaques du 7 octobre 2023, sans jamais avoir été capable d’en produire la moindre preuve.
A l’issue de l’enquête commandée à l’ONU et dirigée par Catherine Colonna, ex-ministre française de l’Europe et des Affaires étrangères, l’UNRWA a été réhabilitée en avril 2024. Catherine Colonna a “vivement encouragé la communauté internationale à se tenir aux côtés de l’agence” qui joue “un rôle vital, indispensable et irremplaçable pour les 5,9 Palestiniens qu’elle sert”.
Mais le mal était déjà fait : en 2024, les Etats avaient déjà diminué ou suspendu leurs versements. Bien que rétablis par la suite, l’organisation onusienne a perdu plus de 450 millions de dollars dans la bataille. Aujourd’hui, bien que blanchie, elle reste dans une situation où toute projection à plus de 6 mois est devenue aventureuse. Le but d’Israël était clair : sans l’UNRWA sur le terrain, l’aide humanitaire relève de l’impossible. Le génocide avait déjà pris racine.
En tant qu’élue du 20ème arrondissement, cette exposition incarne une réparation symbolique. Notre groupe a pleinement soutenu l’UNRWA lorsqu’il est devenu clair que les accusations israéliennes étaient infondées. Ces deux dernières années, nous avons régulièrement demandé à ce que la Ville rétablisse son soutien à cette agence, actrice indispensable de l’aide humanitaire sur le terrain. Aujourd’hui, l’exposition « Regards de Gaza » est présentée dans une mairie française : c’est un geste fort. L’intérêt que lui porte les habitants du 20ème, petits ou grands, démontre qu’il est possible d’aborder ce conflit grâce à l’art et la pédagogie.
Ces 27 clichés pris par un photographe de l’UNRWA sont autant de fenêtres ouvertes sur la vie quotidienne des civils dans la bande de Gaza, dont les journalistes étrangers sont bannis depuis 2 ans. Je souhaite ici saluer la mémoire de la jeune journaliste palestinienne Fatima Hassouna, tuée par les bombes israéliennes la veille de la nomination à Cannes du documentaire dont elle est l’héroïne, Put your hand on your soul and walk. Nous demandons à ce que le vœu de notre groupe adopté au conseil de Paris en juin dernier soit appliqué, afin qu’une emprise publique parisienne porte son nom pour lui rendre hommage.
Ne nous y trompons pas, depuis le cessez-le-feu déjà dévoyé du 10 octobre dernier, presque rien n’a changé. Depuis, Trump a trouvé le temps d’écrire une lettre au président israélien pour « gracier pleinement Benyamin Netanyahou, qui a été un premier ministre formidable et déterminé en temps de guerre, et qui conduit aujourd’hui Israël vers une ère de paix ». Trump tente d’institutionnaliser son fameux plan de paix - qui n’en a que le nom - par le biais des Nations Unies. En attendant, l’accès à l’aide humanitaire à Gaza reste entravé, et aucune mention d’une solution à deux Etats n’est faite dans le texte.
A quelques milliers de kilomètres de là, les firmes israéliennes qui participent au génocide font tranquillement faire leur marché au salon de la sûreté et de la sécurité intérieure Milipol, qui a ouvert ses portes mardi à Villepinte. L’Élysée s’est justifiée en invoquant l’amélioration de la situation sur le terrain suite au cessez-le-feu. Quelle amélioration ?
Le 10 novembre, un texte adopté à la Knesset propose que « quiconque cause intentionnellement ou par indifférence la mort d’un citoyen israélien pour des motifs de racisme ou d’hostilité envers une communauté, et dans le but de nuire à l’Etat d’Israël et à la renaissance du peuple juif dans son pays, sera passible de la peine de mort ». Une nouvelle page d’horreur dans le livre de l’apartheid. Tandis qu’en Cisjordanie, des colons israéliens continuent à être protégés par l’armée, et s’acharnent en ce moment même à torpiller la récolte des olives, une activité qui fait vivre plus de 100 000 Palestiniens.
Il y a un an, nous avions relayé l’étude de la célèbre revue médicale The Lancet publiée en juillet 2024, qui exposait que le nombre de mots à Gaza était sous-estimé d’environ 40%, car toutes les morts indirectes, dues aux pénuries de vivres par exemple, n’étaient pas comptabilisées. Le 11 novembre dernier, le journal le Monde a mis à jour ces chiffres et a estimé que le véritable coût humain du génocide pourrait finalement atteindre les 345 000 morts, contre 67 000 officiellement décomptés aujourd’hui.
L’exposition “Regards de Gaza” nous oblige à ouvrir les yeux sur la souffrance du peuple palestinien, car regarder quelque chose ou quelqu’un, c’est déjà reconnaître qu’il existe. Du 20ème arrondissement de Paris en passant par Berlin et Madrid, j’espère que notre mairie n’est que la première étape d’une longue liste de lieux qui ouvriront bien des yeux.

