Les écoles Duperré et Boulle sont exceptionnelles à deux titres. Premièrement, ce sont des écoles publiques d’excellence. A ce titre, elles dispensent des cours d’un niveau académique élevé à plus de 1.500 étudiants gratuitement tous les ans, délivrant des diplômes allant du C.A.P. au master. Elles permettent, en cela, à Paris et à la France de maintenir leur rang sur la scène internationale dans les domaines des arts, du design, de la mode, du graphisme, de l’artisanat. L’une comme l’autre participent au rayonnement culturel de notre ville et de notre pays. En effet, de nombreux étudiants de ces deux écoles passent une partie de leurs études à l’étranger dans des entreprises et des universités partenaires, et, à leur tour, celles-ci reçoivent des élèves du monde entier.
Elles sont également exceptionnelles, tant elles sont des témoins de la mémoire du monde ouvrier parisien. L’école Boulle a été fondée pour répondre aux besoins grandissants d’ouvriers qualifiés durant la révolution industrielle, notamment dans l’ébénisterie. L’école Duperré, elle, a été fondée par Elisa Lemonnier qui, révoltée par les conditions de travail des ouvrières parisiennes, ouvre son propre atelier puis crée la Société pour l’enseignement professionnel des femmes. Pédagogue et en avance sur son temps, elle mettra en place au sein de son école un enseignement alliant culture générale, pratiques artistiques et pratiques techniques, permettant ainsi à des jeunes filles d’accéder à des emplois dont elles étaient auparavant exclues. Même après sa mort, l’école conservera son caractère avant-gardiste en promouvant la mixité et en permettant aux jeunes garçons de suivre des cours de couture et aux jeunes filles des cours de céramique.
Ces écoles sont donc à la fois la représentation de l’excellence à la française et les témoins de l’histoire ouvrière et de l’émancipation des femmes. Vous ne serez donc pas surpris d’apprendre que notre groupe y soit particulièrement attaché. Mais leur existence est menacée par la hausse des coûts des flux et par le désinvestissement de l’Etat dans le cadre de ses politiques d’abandon des services publics et de délégation toujours plus fortes aux collectivités tout en diminuant leurs budgets.
En 2022, la Ville avait déjà pourvu à hauteur de près de 400.000 euros aux besoins des écoles d’art publiques parisiennes à titre exceptionnel pour leur permettre de faire face à leurs dépenses à la hausse. Elle récidive donc avec ce projet de délibération et réaffirme son soutien indéfectible à ces structures. La semaine dernière, la Ville et son adjoint aux métiers d’art et de la mode, mon collègue Nicolas BONNET-OULALDJ, ont mis à disposition de l’école Duperré de nouveaux locaux de 350 mètres carrés situés dans le 5e arrondissement, afin qu’elle puisse accueillir une cinquantaine d’élèves supplémentaires de la section Arts graphiques et de permettre à ces derniers d’apprendre dans les meilleures conditions.
Cependant, la Ville de Paris ne peut pas tout et il serait plus que temps que l’Etat prenne pleinement sa part sur ce sujet essentiel, et c’est pourquoi nous relayons ici par un vœu rattaché la lutte des personnels et des étudiants des écoles d’art et de design de Paris et de toute la France. C’est l’annonce des différents déficits qui a mis le feu aux poudres dans les 35 écoles d’art territoriales publiques. Elles aussi font face à l’inflation des flux et de l’énergie et à l’augmentation nécessaire mais non compensée du point d’indice. Ces 35 écoles territoriales font partie du réseau national des 45 écoles d’art et de design, créé pour garantir un accès à un enseignement pour toutes et tous sur l’ensemble du territoire, mais elles n’ont pas le même statut que les 10 autres qui sont, elles, directement gérées et financées par l’État. L’ensemble de ces écoles délivrent des diplômes nationaux du Ministère de la Culture.
Mais là où le bât blesse, c’est sur les différences de traitement entre les écoles. Les dotations sont gelées depuis 12 ans, le statut des enseignants ne correspond pas à leur mission d’enseignement supérieur et il y a aussi une grande inégalité pour les étudiants exonérés des droits d’inscription et qui peuvent accéder à une bourse dans les écoles nationales mais pas dans les territoriales. Le collectif des étudiants, dans une tribune, a affirmé que ce réseau est un service public essentiel pour permettre l’émergence des talents issus de nos territoires et de toutes les classes sociales et pour nourrir les scènes artistiques et les politiques culturelles. Il interpelle la Ministre de la Culture et porte 29 propositions "pour un avenir radieux".
Nous les soutenons et nous nous inquiétons du projet caché que pourrait recouvrir cet abandon progressif de ces écoles par l’Etat, car pour les entreprises d’éducation privées, ces écoles représentent un marché juteux qui jusqu’à présent leur échappe. Nous vous proposons donc que la Maire de Paris puisse interpeller le Ministère de la Culture et celui de l’Education nationale pour que l’Etat finance à la hauteur de leurs besoins ces écoles prestigieuses dont la mission de service public fait briller et rayonner Paris et la France sur la scène internationale.