J’ai entendu la semaine dernière le Président de la République parler de séparatisme, de parler aussi un peu avant des Amish et de la culture scientifique. Alors, rassurez-vous, je ne me suis pas trompé de débat, je vais bien vous parler de rentrée scolaire, mais sous l’angle de notre ambition ou non pour l’école, sous l’angle de la mixité ou non de l’école.
Comme le titrait "L’Humanité" vendredi dernier, le séparatisme aujourd’hui, c’est d’abord et avant tout celui des riches, des riches qui se concentrent dans certains quartiers - certains visiblement le savent bien -, qui se font soigner dans des cliniques privées hors de prix et dont les enfants ne fréquentent que des enfants qui leur ressemblent, dans des établissements de l’entre-soi. Et c’est vrai que l’école est le révélateur de ce séparatisme, particulièrement sur Paris. Le constat est sans appel, nous l’avons déjà fait, l’Académie de Paris est l’académie la plus ségrégée de France, et l’immense majorité des collèges privés sont les mauvais élèves de la mixité. Vous avez beaucoup d’études qui sont faites, statistiques, sociologiques, sur les raisons de cette fréquentation. La première raison est malheureusement la volonté de l’entre-soi ; la deuxième raison, cela a été évoqué, c’est un encadrement supérieur. Il faudra y réfléchir.
Le pire - visiblement, vous devez le connaître -, c’est le collège Saint-Louis de Gonzague, où exerçait Mme MACRON. Il y a 0 % d’enfants des catégories populaires. A l’autre extrémité, des collèges, tous publics, peuvent accueillir plus de 50 % de ces enfants. Cachez ces pauvres que je ne saurais voir, disent les hypocrites en 2021. La réalité est crue, qu’elle ne vous en déplaise. Le séparatisme commence dès l’école. Alors, que faire ?
Emmanuel MACRON a eu une idée lumineuse, donner plus d’argent aux établissements privés, car la scolarité obligatoire dès 3 ans oblige désormais nos collectivités à financer les écoles maternelles privées comme les publiques, qui étaient les seules à être financées avant. Il critique donc le séparatisme côté pile, mais le nourrit côté face.
A l’opposé, notre majorité de gauche agit en sens inverse. L’an dernier, j’avais proposé en cette Assemblée, au nom du groupe Communiste, le principe d’une modulation, en fonction de la mixité sociale, de l’argent versé aux collèges, c’est-à-dire de la modulation du forfait éducatif de la dotation des collèges. L’idée est de baisser la dotation aux collèges qui sont les plus ségrégés et de monter la dotation des collèges les plus mixtes, afin d’améliorer leur encadrement des élèves. Le principe avait été voté, nous passons aujourd’hui à sa mise en place concrète. Je remercie Patrick BLOCHE pour son engagement sur le sujet, ainsi que son cabinet et les services de la DASCO. Le projet de délibération DASCO 111, que nous allons voter, va permettre de faire avancer la mixité à l’école, nous nous en félicitons.
Par ailleurs, vous le savez, les Communistes sont infatigables sur la question de l’égalité, infatigables tant que l’égalité restera formelle et pas réelle. Nous proposons donc un amendement pour moduler sur plusieurs années ce forfait "élève" et accroître progressivement l’écart entre les collèges, les plus et les moins mixtes. La mixité à l’école est la condition du vivre-ensemble, les graines que nous semons aujourd’hui sont autant de chances pour une école réellement émancipatrice, des graines qui mettront certainement du temps à pousser mais qui sont néanmoins essentielles.
Si nous visons une école mixte, nous visons tout autant une école de qualité pour toutes et tous, parce que c’est notre idéal émancipateur et que notre monde est de plus en plus complexe. Le président a beau jeu de parler d’Amish, Sibeth NDIAYE manque de culture scientifique, dans la réalité, leur Gouvernement abaisse les programmes, supprime des postes d’enseignants, supprime des postes de chercheurs. Cette insuffisance de postes d’enseignants, cet étranglement du service public sont la cause de la faillite de l’Etat dans certains territoires, à la racine des inégalités sociales. Cette insuffisance de postes témoigne de l’abandon du mouvement de démocratisation de l’enseignement, cette insuffisance de postes, nous la dénonçons chaque année pour toutes ces raisons de fond.
Mais force est de constater qu’en ces temps d’épidémie de Covid, l’histoire nous donne raison pour d’autres motifs. Les classes traditionnellement surchargées le sont encore, en pleine contradiction avec les règles sanitaires, élémentaires, exposant les enseignants, les élèves et leurs familles. Les syndicats d’Ile-de-France nous ont alertés la semaine dernière de cette situation intenable, signalant des classes fréquemment à 33, 35, voire 39 élèves.
Autre conséquence de cette insuffisance de postes, avec la multiplication des arrêts-maladies, beaucoup de remplacements ne sont plus effectués.
Dernière conséquence, le scandale des non-affectations. A la fin août, plusieurs centaines d’élèves se retrouvaient sans affectation dans un collège ou un lycée. Certains ont dû attendre trois semaines pour en obtenir une. Cette situation est traditionnelle, nous le savons, mais pas à cette échelle. Le Gouvernement a été incapable de prévoir la démographie scolaire. Pourtant, ce n’est pas une variable statistique qui est connue pour avoir des fluctuations imprévisibles. A force de travailler au minimum, à force de travailler à l’os, on se retrouve fort dépourvu en cas de crise. C’est de bien mauvaise gestion, cela ne doit pas se reproduire et c’est la raison pour laquelle nous demandons dans un voeu la création de postes sur Paris pour la rentrée prochaine mais aussi évidemment sur tout le reste de la France, afin non seulement d’éviter la reproduction du problème mais aussi d’alléger les classes globalement.
Permettez-moi d’aborder un autre sujet et d’aborder désormais la problématique de l’égalité filles/garçons à l’école. L’école est un jardin où les graines, je le disais, poussent lentement mais façonnent certainement le monde de demain. L’égalité des genres se décrète, bien sûr, mais elle se construit surtout et avant tout par l’éducation. Cela passe par de multiples actions, le discours des enseignants, les pratiques pédagogiques mais aussi les cours d’école. L’occupation de l’espace, genrée ou non, est un facteur essentiel de la mixité ou non. Une cour où on joue au foot au centre est bien souvent une cour où l’espace est de facto consacré aux garçons et où les filles sont habituées à être reléguées au second plan.
Pour lutter contre les mauvaises habitudes parfois non conscientisées, nous proposons plusieurs solutions pour agir sur le terrain qui nous concerne, nous, le périscolaire. Nous proposons que tous les animateurs et animatrices de la Ville, sur l’ensemble des écoles, reçoivent une formation sur cette problématique et qu’un rapport soit effectué chaque année par la ou le responsable éducateur Ville sur ce sujet.
Laissez-moi, pour finir, dire quelques mots sur les universités. Comme les écoles, elles sont frappées par la crise sanitaire, par l’austérité, aucune création de poste, alors qu’il y a 40.000 étudiants en plus, et par les logiques néolibérales, le dernier avatar étant la loi L.P.P.R., dénoncée par la communauté. Les universités sont donc en difficulté structurelle mais aussi conjoncturelle avec la crise sanitaire. Les étudiants sont frappés par une vague de pour leur logement.
Je voudrais ici saluer tout le travail effectué par notre Municipalité, en particulier par Marie-Christine LEMARDELEY, pour lutter contre cette précarité. Il passe par des aides financières, il passe par le soutien à l’alimentation avec le développement d’épiceries solidaires, il passe par une cellule d’écoute psychologique ô combien importante avec les dégâts psychologiques liés à l’isolement.
En tout cas, par toutes ces actions concrètes en direction des enseignants, notre Ville conjugue la solidarité avec le savoir, et c’est crucial pour ces près de 330.000 étudiants qui sont aux balbutiements de leur vie d’adulte à Paris.
Je vous remercie.