A l’ordre du jour de ce conseil, nous parlons de la Seine et de baignade. A l’approche de l’été, la Seine sera un îlot de fraîcheur, particulièrement pour celles et ceux qui ne pourront pas partir en vacances.
Ceci étant dit, les enjeux autour de la promesse de l’héritage des JOP ne doit pas invisibiliser le coût du bassin d’Austerlitz, une pierre centrale pour l’assainissement du fleuve.
Quand je parle de coût, je ne parle pas d’argent. Je parle de la mort d’un homme, Amara Dioumassy, mort sur le chantier de ce bassin le 16 juin 2024, deux semaines avant son inauguration, un mois avant le coup d’envoi des JOP. Il était un ouvrier expérimenté, et chef d’équipe. Il fut renversé par l’un des camions du chantier qui faisait marche arrière.
Amara Dioumassy avait 51 ans, et a laissé derrière lui 12 enfants.
Il a rejoint les quelques 789 personnes mortes au travail en un an d’après le dernier recensement du ministère du travail. Chiffre qui fait de la France le pire élève de toute l’Union Européenne. Ce drame fait système. Car ce sont les ouvriers et les paysans qui paient le plus lourd tribut. Les conditions de travail imposés par des cadres peu respectueux du droit, touchent les plus modestes en priorité. Si la vie est une affaire de classes, la mort l’est encore plus.
Trois sociétés avaient été missionnées sur le chantier du bassin d’Austerlitz, et la mairie de Paris était la maîtresse d’ouvrage. Après la mort d’Amara Dioumassy, des manquements graves à la sécurité ont été relevés par la CGT. L’inspection du travail avait de suite exigé une mise aux normes. Il aura fallu la mort d’un travailleur pour que Veolia, l’une des entreprises impliquées, soit forcée de respecter la loi.
Pourtant, la Ville de Paris avait entrepris un travail remarquable pour la sécurité des travailleurs des chantiers des JOP. Une charte, de seize engagements environnementaux, économiques et sociaux, avait été signée par toutes les organisations syndicales et patronales. Elle a permis de réduire par 4 les accidents du travail sur les chantiers Solideo des JOP. Et surtout elle a permis d’éviter tout accident mortel sur les 16 chantiers de la Solideo. Preuve qu’avec de la volonté politique, rien n’est impossible. Malheureusement le chantier d’Austerlitz échappait à cette charte. Preuve que le macabre record français est la conséquence d’une négligence coupable et mortelle.
En 2022, une délibération du groupe communiste visait à faire de Paris une Ville exemplaire en matière de sécurité au travail. Notre exigence est que plus aucun travailleur ne perde sa vie à la gagner. Plusieurs des mesures ont déjà été concrétisées. La signature d’une charte sociale entre les représentants du personnel, la Ville et les entreprises a été actée en avril dernier, avec l’objectif de faire de Paris un territoire zéro mort au travail. Pour que l’hécatombe ne soit plus invisibilisée, un observatoire des morts au travail a aussi été créé.
Il nous faut aller plus loin. Toujours dans notre délibération, nous proposions l’instauration de clauses sociales et écologiques dans tous les marchés publics de la Ville. Mais aussi de restreindre l’usage de la sous-traitance en cascade.
Car plus la chaîne de sous-traitance est longue, plus la responsabilité du donneur d’ordre initial est diluée : au final, plus personne n’est responsable. Au-delà de la sous-traitance, nous savons que la négligence sur les questions de sécurité est la conséquence bien concrète de l’obsession unique en système capitaliste de minimiser les salaires pour in fine maximiser les dividendes.
Dans de nombreux secteurs comme le BTP, les contrats courts et précaires d’interim sont légion. Impliquant des jeunes ou des ouvriers peu expérimentés, les plus largement frappés par les accidents du travail. Leurs formations et leurs équipements dédiés à la sécurité passent bien souvent à la trappe pour gagner du temps et de l’argent. Avec notre charte, nous voulons forcer le patronat à respecter la loi et le droit du travail, mais aussi créer un réel dialogue avec les syndicats.
Enfin, je voudrais aussi parler de la mesure du problème. Les dernières statistiques officielles font état de 789 morts par an. Plus de 2 morts chaque jour. Mais comme l’a souligné la CGT, ce chiffre ne prend pas en compte les décès dus aux maladies professionnelles, les agent·es de la fonction publique, les auto-entrepreneur·euses ou encore les accidents de trajet. Le bilan réel serait, estime-t-on, au-delà des 1200 morts.
Pour conclure, je dirai que la dénomination Amara Dioumassy permettra de graver son nom dans le marbre parisien. Elle permettra de donner à voir un phénomène de fond, un problème structurel. Une hécatombe silencieuse qui n’est pas due à la malchance mais à une négligence coupable. Mais n’oublions pas que la pensée précède l’action : l’État peu mobilisé jusqu’ici, doit agir – et agir maintenant.