Est-il encore temps de parler de compensation carbone ?
Aux Etats-Unis, des tornades ont détruit des villes. Au Canada l’été dernier, un dôme de chaleur faisait fondre toutes les infrastructures. Presque au même moment en Allemagne, des inondations emportaient tout sur leur passage. Et chez nous, en France, aux canicules succèdent les inondations.
Nous le voyons, les événements climatiques violents se multiplient : ils sont tous le syndrome d’un dérèglement climatique dont les émissions de carbone sont la source, dont nous sommes la source.
A Paris, nous sommes conscients de l’enjeu du dérèglement climatique. Plusieurs fois nous avons pris des mesures qui n’ont d’ailleurs pas fait l’unanimité à leur début. Nous avons le courage d’innover. Mais pour les élus du groupe communiste et citoyen, cette “coopérative carbone” n’est pas au niveau.
Et cela parce qu’elle s’appuie sur un principe dépassé : celui de la compensation carbone. Ce dispositif permettrait aux entreprises de financer des projets capables d’éviter ou de stocker du carbone à hauteur des émissions qu’elles souhaitent compenser.
Mais de nombreux chercheurs estiment aujourd’hui que les mots de « compensation » et de « neutralité carbone » devraient être abandonnés. Car ces mots sont trompeurs sur ce qu’ils signifient : les émissions du consommateurs sont un acte certain, mais l’absorption de ces émissions est tellement aléatoire et pleine d’incertitudes que rien ne garantit leur compensation, même partielle.
Pour faire simple : faire croire aux gens que financer une soi- disant “compensation carbone” rend leurs émissions de carbone nulles est faux. Et c’est même l’inverse : plusieurs études montrent que les entreprises et les consommateurs rejettent davantage de CO2 lorsqu’ils s’appuient sur ce dispositif, se rassurant en pensant compenser leurs émissions.
Or aujourd’hui, l’urgence n’est plus de compenser les émissions, mais de les réduire. Et c’est là que le bât blesse. Car il est moins douloureux pour une grande multinationale de compenser que de changer de comportement.
Il suffit de regarder quelles sont les entreprises qui utilisent ce dispositif aujourd’hui : Total, Danone, ou encore Air France. Cette dernière est fière d’annoncer qu’elle compense 100% des émissions carbone pour les vols domestiques. Ce dispositif lui permet ainsi de continuer d’augmenter ces émissions tout en se donnant bonne conscience.
Concernant cette délibération, nous notons les critères qui sont présents et qui permettront de sélectionner les partenaires de cette coopérative. C’est un bel effort. Mais c’est la philosophie même de ce dispositif que nous remettons en cause.
Paris s’est déclarée en urgence climatique en juillet 2019. Il est désormais impératif d’inciter les différents opérateurs économiques de notre ville à changer de comportement. Et ce n’est pas la philosophie de la coopérative carbone. Plus qu’une incitation à changer de comportement, vous offrez une porte (verte) de sortie à celles et ceux qui continuent de polluer, même de manière résiduelle. Or, comme le disent tous les chercheurs aujourd’hui, l’heure n’est plus à la compensation, mais à la réduction des émissions.
Ensuite, c’est la question de la justice qui se pose. Avec cette coopérative, une entreprise ou une personne qui pollue à l’autre bout du monde pourrait venir compenser ces émissions en région parisienne. Dans cette perspective, le territoire et les peuples victimes de la pollution ne verraient aucune compensation de celle-ci.
Enfin, cette compensation se fait souvent à très bas coût. En moyenne, en Europe, compenser une tonne de CO2 coûte 40 euros. Tel est le prix qui permet de se racheter une conscience. Or, la réelle question qui se pose désormais est le coût immédiat pour le climat et le coût social du carbone. Il est déjà faramineux aujourd’hui.
Au lieu de vouloir déculpabiliser nos multinationales, taxons les, et utilisons cet argent pour relocaliser notre industrie, investir massivement pour l’isolation et la rénovation énergétique de nos bâtiments,