J’irai dans la continuité des deux interventions précédentes, pour me réjouir du vote de ce projet de délibération, qui finance des dispositifs d’accueil, de mise à l’abri en urgence de familles, de jeunes, y compris de jeunes qui sont dans des situations compliquées. Ces jeunes en recours, qui se disent mineurs, qui ont été déclarés majeurs, mais qui sont en recours, pour certains, parfois, les recours les reconnaissent mineurs.
Cher collègue, vous parliez des jeunes du parc de Belleville. Une mise à l’abri a été faite, il faut le souligner. Avec ma collègue Gwenaëlle, nous avons aussi pu les rencontrer dans un gymnase du 19e arrondissement. Vraiment, quand on rencontre ces jeunes, qu’ils aient 17,5 ans ou 18,5 ans, cela ne change pas grand-chose. Ce sont des jeunes qui ont eu, pour un si jeune âge, des parcours de vie absolument dramatiques. Ils ont quand même fui, pour la plupart. Ils ont traversé la Libye, avec tout ce que l’on connaît. Personne ne peut ignorer ce qu’il se passe en Libye pour celles et ceux qui viennent des pays d’Afrique subsaharienne. Ils sont venus jusqu’en France, jusqu’à Paris, mais ils ne sont pas venus parce qu’on leur a promis un lit Picot dans un gymnase. Ils sont venus parce que c’était leur dernier espoir, parce qu’ils pensaient avoir une vie un peu meilleure à Paris. Ils ont quitté…
On ne s’imagine pas, si on ne l’a pas vécu, la douleur de l’exil, la douleur de ce que cela peut être d’être loin de chez soi, de partir, de tout quitter et de savoir que, en plus, très souvent, on ne pourra pas y revenir, on ne pourra plus y remettre les pieds.
On est dans une situation, en France, où l’on voudrait nous faire croire les discours ambiants, avec ces choses qui reviennent systématiquement : ce serait l’A.M.E. qui coûte cher, qui grève les budgets de la Sécurité sociale. Entre parenthèses, on oublie de dire que la fraude des employeurs aux cotisations, cela coûte bien plus cher que l’A.M.E., et que l’on pourrait financer l’A.M.E. sans problème si on luttait contre la fraude des employeurs aux cotisations. En fait, on est dans un cercle vicieux, où l’on est toujours obligé de créer plus de places d’hébergement. Bien sûr qu’il faut créer plus de places d’hébergement, mais parce que le système est enroué. Normalement, les personnes qui sont dans les centres d’hébergement peuvent ensuite accéder à un logement. Elles peuvent accéder à un foyer de jeunes travailleurs, si elles sont jeunes. Elles peuvent accéder à d’autres formes d’habitat que les centres d’hébergement d’urgence, sauf qu’il n’y a plus de logements. Surtout, ces personnes n’ont souvent plus de papiers, parce que l’on est dans une fabrique de sans-papiers. On laisse donc des gens dans un "no man’s land" administratif. On les laisse dans l’errance administrative, donc dans l’errance de tout le reste, l’errance médicale, l’errance de l’habitat… Comme ils ne peuvent plus accéder aux logements, ni à d’autres formes d’habitat, ils ne peuvent pas quitter les centres d’hébergement. Ces centres d’hébergement qui ont été créés ne se vident plus. Il n’y a plus de cheminement qui se fait. Il faut donc toujours créer de nouvelles places d’hébergement.
Vraiment, je vous assure, chers collègues, quand on voit ces gens, ces 100 et quelques jeunes, on se dit : mais enfin, pourquoi ? Qu’est-ce qui empêche ? Quel est l’obstacle ? Pourquoi ne pourrait-on pas leur donner une chance de construire leur vie ici, en France ? Tous disent qu’ils veulent faire des études, qu’ils sont en attente de leur rendez-vous à la CASNAV pour pouvoir s’inscrire dans un processus de scolarité, qu’ils cherchent des emplois. Parfois même, ils n’osent pas trop le dire, mais ils ont déjà des petits emplois à droite, à gauche. Ils essaient de gagner un peu d’argent durement, dans des conditions souvent très difficiles, puisqu’en dehors de tout respect du Code du travail.
Qu’est-ce qui empêche, si ce n’est l’inhumanité de nos politiques publiques ? Quelle autre justification aurait-on pour ne pas régulariser ces jeunes, pour ne pas leur permettre de construire une vie digne et décente en France ?
En tout cas, dans l’attente d’un jour, je l’espère pas trop lointain, d’autres politiques publiques, un autre gouvernement, un gouvernement un peu plus humain et humaniste, heureusement, la Ville de Paris s’engage. Nous continuons à financer des dispositifs, pour que le moins de personnes possible puissent passer leurs nuits dehors. Je vous invite à voter unanimement ce projet de délibération.
Je vous remercie.