Il n’y a pas une seule façon de faire famille. La famille peut être monoparentale, biparentale, pluriparentale. Je voudrais citer le psychiatre Jean-François LE GOFF qui soulignait dans "L’Humanité" l’importance de reconnaître les familles monoparentales comme des familles à part entière, et non comme des familles mutilées ou déficitaires. Il dénonçait la stigmatisation qui freine l’évolution de l’imaginaire familial où la famille nucléaire ne doit plus dominer, mais permettre des évolutions vers l’autonomie, la créativité ou la solidarité. Il est essentiel de rappeler ces mots surtout à l’heure où certains continuent de stigmatiser les familles monoparentales, les qualifiant par essence de défaillances.
Nous avons vu cette tendance lors des émeutes de Clichy-sous-Bois en 2005 et encore récemment après la mort de Nahel, où les mères et leurs enfants étaient accusés de tous les désordres sociaux. Cette initiative du groupe PEC prend le contre-pied de cette vision réactionnaire et vise à soutenir ces familles longtemps délaissées par les pouvoirs publics. Vision, y compris défendue ici lorsque nos collègues du groupe Changer Paris proposaient il y a quelque temps dans leur "niche" d’agir sur la prévention des divorces par des consultations matrimoniales en mairie au moment du mariage. Nous avions été nombreux et nombreuses à cette époque à s’en offusquer. Les familles évoluent, nos politiques publiques doivent suivre ces évolutions de la société. Par exemple, un divorce ou une séparation ne doit plus être considéré comme un accident de la vie ou un échec, mais plutôt comme un moment de recomposition de la famille.
La création d’une carte Familles monoparentales offrira à ces nouvelles familles un accès facilité aux démarches administratives. La Ville de Paris s’engage depuis longtemps sur ce sujet, en particulier depuis 2011, vous l’avez cité, Colombe BROSSEL, avec les préconisations fortes portées par Ian BROSSAT à l’occasion de la M.I.E. sur le sujet : accès au logement et à l’hébergement, mode de garde atypique, insertion professionnelle, aide à la parentalité, etc. Ces politiques ont évolué, mais il faut aller plus loin. D’abord, parce que le nombre de familles monoparentales a considérablement augmenté, représentant aujourd’hui près d’un tiers des familles parisiennes. Ces familles composées principalement de femmes, plus de 82 % des parents isolés, sont fortement touchées par la précarité, et les études montrent qu’elles sont plus exposées à la pauvreté et aux inégalités sociales.
Les propositions du groupe PEC sont intéressantes et peuvent être développées à l’échelle de la Ville, même si elles nécessitent des moyens financiers supplémentaires. Cependant, les leviers choisis devraient permettre à ces familles de gagner du temps et de débloquer certaines situations administratives afin d’améliorer leur pouvoir d’achat. Le temps et l’argent : deux aspects cruciaux du quotidien des familles. La prise en charge directe des forfaits "Imagine R" sans avance de fonds serait très bénéfique. Il en va de même pour les réductions d’accès à la culture, aux loisirs, aux activités sportives, ainsi que pour une meilleure tarification des crèches, des cantines et des services périscolaires.
Une meilleure communication sur les droits est également essentielle. Trop de dispositifs municipaux restent méconnus, alors que nous disposons de nombreuses offres intéressantes, notamment en matière de droit aux vacances. Nous devons mieux les promouvoir afin qu’elles profitent réellement aux familles qui en ont besoin.
Concernant le logement, je sais que Jacques BAUDRIER est attentif à ces questions, mais nous avons aussi besoin de l’appui de l’Etat, notamment pour les logements privés. Pour en revenir à l’Etat, comment réfléchir à une meilleure prise en compte des besoins des familles monoparentales, en particulier de ceux des femmes, si nous n’avançons pas sur les points suivants, qui dépendent, et vous le savez bien, Madame la Sénatrice, de modifications législatives ? Revalorisation du salaire des femmes, recouvrement des pensions alimentaires, aujourd’hui, les impayés s’élèvent à 40 %. L’objectif est de faire baisser ce taux à 21 % en 2027, mais on serait encore à un impayé sur cinq.
Le fait que les pensions alimentaires soient déductibles des impôts pour ceux qui les versent, sachant qu’il s’agit à 97 % d’homme, mais pas pour celles qui les reçoivent, c’est une rupture d’égalité qui doit cesser. Pour en finir, je tiens à souligner certaines propositions de mon collègue, Édouard BERNARD, député à l’Assemblée nationale : prolonger le congé maternité pour les femmes monoparentales au moment de l’accouchement, accorder les allocations familiales dès le premier enfant, favoriser l’accès au logement en adaptant les A.P.L., entre autres.
Bien évidemment, chers collègues, nous voterons pour cette proposition de délibération et nous souhaitons que la Ville se fasse écho du plaidoyer à l’Etat que nous considérons comme indispensable pour une prise en charge globale de la question. Je vous remercie