La communication qui nous est présentée fait état de l’ambition de la Ville de devenir la capitale européenne de l’innovation écologique sociale et solidaire. C’est une belle et saluable ambition, mais pour la réaliser, ayons bien à l’esprit que cela impliquera de prendre des mesures fortes et concrètes.
Nous le savons, si la densité commerciale à Paris est particulièrement forte, l’activité économique a été considérablement freinée par la crise sanitaire.
De nombreuses parisiennes et parisiens ont perdu leur emploi, le pouvoir d’achat des habitant-e-s a largement baissé et beaucoup de commerces en subissent encore les conséquences. Et en parallèle le nombre de commandes sur internet explose, ce qui n’est pas sans conséquences sur nos petits commerces.
D’ailleurs en ce moment, nous subissons le développement fulgurant du « Quick commerce ». Vous savez, ce sont ces offres de livraisons ultra-rapides et ultra-malsaines, où l’on se contrefiche de la santé des livreurs au profit d’une logique du « toujours plus vite » pour des consommatrices et des consommateurs que l’on habitue à agir comme des enfants pourris gâtés.
Avec ce type d’activités, nos commerces laissent petit à petit la place aux vitrines opaques des entrepôts logistiques, promettant un avenir bien sombre à la vie dans nos rues et nos quartiers... Comment rivaliser avec des commerces ouverts 24h/24h quand on est commerçant-e et qu’on entend respecter le droit du travail et pas faire du dumping social en se faisant de l’argent par la surexploitation des plus précaires ? D’autant que l’augmentation des loyers n’arrange rien.
Pour maintenir la diversité de ces commerces en pieds d’immeubles, source de vie dans nos quartiers, la préemption des baux commerciaux peut être une solution efficace. C’est pourquoi notre Groupe a porté un vœu qui a été adopté au Conseil de juillet 2021 pour que la ville développe ces préemptions sur les territoires particulièrement enclins à la mono-activité : où en est-on ? Quelles autres solutions avons-nous ?
Par ailleurs, la crise a renforcé la précarité, surtout pour celles et ceux qui ont perdu leur emploi. En soutenant les dispositifs d’Insertion par l’activité économique, la Ville de Paris prend ses responsabilités pour permettre aux personnes les plus éloignées de l’emploi de retrouver une activité, une stabilité, et ainsi éviter la désociabilisation ou le basculement vers d’emploi déguisé et mal rémunéré. En 2019, 66% des parisiennes et parisiens qui sont sortis d’un parcours en Insertion par l’Activité Économique ont obtenu un emploi ou une formation. Ces chiffres sont prometteurs et révèlent l’efficacité des dispositifs de l’IAE.
A ce titre, l’Economie Sociale et Solidaire peut être elle aussi porteuse d’effets sociaux et environnementaux positifs pour la population. D’ailleurs l’ESS c’est près de 10% de l’emploi à Paris. Et si la ville soutient et doit soutenir ces initiatives, attention à demeurer exigeantes sur les attentes. Être favorable à l’entreprenariat oui, mais le soutient de la ville doit obligatoirement avoir des finalités sociales ET environnementales fortes.
Or justement, la communication le mentionne, 7,7 millions de subventions sont alloués à l’insertion par l’Activité Économique et 5 millions sont dédiés au secteur de l’Économie Sociale et Solidaire. Sur les 230 millions d’euros engagés depuis mi-2020 pour accompagner les acteurs économiques parisiens à faire face à la crise et à accompagner leur relance, nous pensons alors que la Ville doit essentiellement (sinon exclusivement) soutenir les acteurs qui s’engagent socialement ET écologiquement. Or notre Groupe déplore que le social soit, comme trop souvent, relégué au second plan.
Par exemple, concrètement : Comment accepter, qu’encore une fois, la Ville de Paris subventionne à hauteur de trois millions des entreprises qui ne dressent aucun de bilan social pour les actions engagées avec les financements publics ?
Alors… D’abord, on a la DAE 194. Elle vise à soutenir certains hôtels parisiens dans leur transition écologique à hauteur d’1 million d’euros. Moi je veux bien qu’on soutienne la transition écologique avec des subventions pour des travaux par exemple. Mais là vous avez vu la liste des hôtels qui vont être subventionnés ? On a affaire à des établissement qui appartiennent à des grands groupes et sont tous situés dans les beaux quartiers. Vous n’allez quand même pas me dire qu’ils en ont besoin ? C’est pas possible ça… On manque d’argent pour développer de super projets, parfois même votés en Conseil de Paris, et on va en filer aux grands groupes ?
Et puis il faudrait intégrer le fait que tous les touristes n’ont pas les moyens de louer une chambre dans les quartiers chics après avoir visité Paris, et beaucoup s’installent, au contraire, dans les quartiers populaires. Alors pourquoi ne pas aider les Hôtels de ces quartiers-là ?
Et puis je veux bien entendre que le secteur de l’hôtellerie et de la restauration représente 15% de l’emploi parisien, et qu’il faut l’aider ce secteur après la crise. Mais si c’est l’emploi le motif, il faut des garanties en matière d’emploi. Parce que c’est aussi un secteur connu pour le travail précaire et dissimulé, donc on pourrait quand même avoir des assurances en la matière quand on donne de l’argent public.
Et puis il y la DAE 311 : à travers le dispositif « relancer mon entreprise autrement », elle subventionne les entreprises parisiennes touchées par la crise pour accompagner leur relance économique. ET alors que plus de deux millions d’euros vont être attribués à ces structures privées, l’aspect social est encore une fois absent des critères d’attribution. Je vous cite les conditions d’éligibilité : les acteurs économiques doivent s’inscrire « dans une démarche de transformation de leur façon de travailler en prenant en compte les nouveaux enjeux sanitaires, de transition écologique, de mise en accessibilité universelle ou de transition numérique ». Quelle place est donnée à l’insertion dans leur stratégie de relance économique ? Face à la situation de l’emploi à Paris, nous ne pouvons continuer à soutenir des structures qui ne montrent pas de réelle ambition en termes d’emploi pérenne.
C’est la crise, alors l’argent que l’on distribue, il faut le prioriser vers l’emploi, le pouvoir d’achat, et pas l’offrir sans contrepartie sociales au privé. Nous voulons prioriser les financements sur la base de critères sociaux en ciblant les publics et les territoires prioritaires, au lieu de financer des structures pour lesquelles il est difficile de mesurer les effets.
C’est le sens de notre vœu qui demande à ce que les structures subventionnées par la Ville présentent des bilans sociaux des activités mises en œuvre par les financements publics. Cela permettrait à la ville de mieux évaluer les effets des activités subventionnées pour le territoire parisien en matière sociale et de tirer des conclusions sur les actions menées. On a ces exigences envers les associations, je ne vois pas pourquoi on n’aurait pas les mêmes pour les entreprises.
L’efficacité des acteurs de l’IAE et de l’ESS n’est plus à démontrer, mais soyons bien vigilantes, concentrons notre soutien vers les structures au modèle vertueux tant en matière environnementale que sociale.
Je vous remercie.