Madame la Maire
Mes cher.e.s collègues,
« Savez vous quel est le plus sûr moyen de rendre votre enfant misérable ? C’est de l’accoutumer à tout obéir. » Cette phrase de Jean jacques Rousseau aurait pu être inscrite au fronton de la prison de la Roquette où tant d’enfants ont été emprisonnés entre 1836 et 1929.
Oui car comme nous l’a appris le documentaire de Cyril Denvers « les enfants maudits », l’enfance a été niée. Force de travail comme une autre dans notre pays jusqu’au 19ème siècle, l’enfant n’a pas d’enfance, il est traité comme un adulte.
Quand il commet un larcin ou qu’il est surpris en train de faire la manche on le juge comme un adulte. Combien de destins d’enfants ont été brisés après cette horrible expérience carcérale dans cette prison « modèle » de la Roquette ?
Une prison inhumaine où le contact avec l’autre est interdit car la très mauvaise graine peut contaminer la mauvaise qui elle contamine l’enfant qui n’est entre ces murs que parce que ses parents le renient.
Mais la pire des tortures c’est le silence et la solitude. On ne parle pas, on ne chante pas, on ne prie même pas ensemble. On est seul, toujours seul.
Le pire, c’est le documentaire de Cyril Denvers qui nous le révèle c’est qu’on a même volé à ces enfants leurs souvenirs et leur mémoire puisque leurs courriers leur ont été volés par l’administration pénitentiaire.
Et pourtant c’est grâce à cette malle oubliée, pleine de ces missives touchantes pleine d’amour et d’espoir que le réalisateur a pu trouver la matière de son film.
Et dire qu’il faudra attendre les années d’après-guerre pour que le regard sur l’enfant commence à changer.
Je sais que certains, ici même dans cet hémicycle, n’ont de cesse de critiquer la philosophie de l’ordonnance de 1945. Que certains rêvent d’abaisser la majorité pénale et d’inverser les principes de l’ordonnance qui donnent la primauté à l’action éducative sur les mesures de privation de liberté. Les discours récents sur les Mineurs Non Accompagnés nous le rappellent durement.
Un enfant auteur, reste une victime, voilà le principe que nous communistes continuons de défendre comme l’ont fait les auteurs de l’ordonnance de 45. « Les jours heureux » c’est bien entendu la sécurité sociale mais c’est aussi la protection de l’enfance.
Rappelons aussi qu’il aura fallu attendre 1989 pour que les droits de l’enfant deviennent universels.
Alors oui quand nous passerons devant l’ancienne prison de la Roquette et que nous penserons aux résistantes qui attendaient dans l’angoisse leur future déportation, écoutons la voix et les cris des enfants du square et pensons à ces milliers d’enfants à qui on a retiré pendant plus d’un siècle le droit au jeu et aux cris.
Merci à Cyril Denvers d’avoir redonné une voix à ceux à qui on l’avait ôté.
Pour ne pas déroger à l’habitude que mon amie Danièle Prémel avait prise en émaillant ses interventions de poésies. Elle avait choisi Prévert pour porter ce vœu de notre groupe il y a un an. J’ai choisi Hugo pour conclure mon propos.
Seigneur ! préservez-moi, préservez ceux que j’aime,
Frères, parents, amis, et mes ennemis même
Dans le mal triomphants,
De jamais voir, Seigneur ! L’été sans fleurs vermeilles,
La cage sans oiseaux, la ruche sans abeilles,
La maison sans enfants !
Je vous remercie