Merci, Monsieur le Maire.
Chers collègues, les conséquences sociales de la crise sanitaire atteignent une ampleur sans précédent. Les prévisions sont sans appel. Le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté franchira les 10 millions en 2020, un million de plus qu’en 2019. Le nombre des S.D.F. a doublé en huit ans, d’après la fondation Abbé Pierre. Derrière ces chiffres, une fragilisation accrue des ménages les plus démunis. Comme ce fut déjà le cas après la crise de 2008, la crise économique se répercutera surtout, et se répercute déjà, sur les personnes en situation de précarité, voire de grande précarité. Ce qui est inédit, ce sont tous ces nouveaux visages, travailleurs indépendants, intérimaires, artisans, autoentrepreneurs, qui sollicitent une aide sociale ou l’appui des associations. Des drames humains se dessinent, et notre collectivité doit jouer pleinement son rôle d’amortisseur social. Les demandes explosent et les moyens peinent à suivre. Les dépenses générées par les départements augmentent, alors que les recettes diminuent. Rien qu’à l’échelle parisienne, ce coût de la crise est estimé à 800 millions d’euros, au rang desquels les dépenses liées au R.S.A. et à l’aide alimentaire occupent une part non négligeable.
La crise sanitaire a accéléré la crise économique et sociale qui sous-tendait, et malheureusement, cette tendance va se poursuivre. Les chiffres du chômage n’augurent rien de réjouissant. Au 30 octobre 2020, la D.A.R.E.S. comptait 62.053 ruptures de contrat liées à des plans de sauvegarde de l’emploi, le double de 2019 à la même date. 47 % de ces ruptures concernent l’Ile-de-France. En plus de ces licenciements, il faut compter la baisse de 32,7 % des offres d’emploi d’intérimaires par rapport à 2019.
Au-delà de la crise sanitaire, nous subissons aussi de plein fouet les conséquences d’une économie capitaliste basée sur la seule rentabilité financière. Entre 2000 et 2020, au C.A.C. 40, les dividendes ont augmenté de 269 %, alors que les effectifs ont diminué de 12 %. Ces chiffres aussi sont sans appel et doivent nous faire réfléchir. Toutes ces données seront lourdes de conséquences sur les budgets des collectivités territoriales. A ce stade, nous notons une augmentation de 13 % des demandes de R.S.A. à Paris. La situation est d’autant plus problématique, comme l’ont rappelé nombre de mes collègues avant, que seulement 66 % de ces dépenses de R.S.A. sont compensés par l’Etat.
A l’heure où la priorité de la Ville de Paris doit être de soutenir des associations sur-sollicitées, de mener une politique d’aide sociale ambitieuse, de renforcer les actions du CASVP, le budget ne peut plus être affecté à la compensation des manquements de l’Etat. Le R.S.A. va être renationalisé en Seine-Saint-Denis à partir de 2022. Le Gouvernement entrouvre la porte pour d’autres collectivités. Paris doit s’y intéresser. Notre ambition ne s’arrête pas là. Parce qu’il s’agit de répondre à la réalité sociale que nous traversons, nous demandons l’ouverture du R.S.A. aux 18-25 ans. Selon Pôle Emploi, le chômage a augmenté de 34 % chez les moins de 25 ans au deuxième trimestre. Ils sont de plus en plus nombreux à recourir à l’aide alimentaire et au dispositif d’hébergement d’urgence. Ils font partie de cette zone grise pour qui les dispositifs d’aide sont ponctuels ou délivrés en urgence, mais ne permettent pas un soutien durable.
Bien sûr, nous notons la proposition d’un Plan Boost Emploi à destination prioritairement des jeunes, mais l’urgence est à l’inclusion de ces jeunes dans les catégories éligibles au R.S.A. Nous inscrivons cette revendication dans un volet plus global, celui de la lutte contre la grande exclusion et les situations d’errance dans lesquelles de plus en plus de jeunes et de familles basculent à Paris, en particulier dans les quartiers populaires où le Covid frappe plus fort. Vous avez d’ailleurs, Madame la Maire, signé l’appel des cent maires au Président de la République.
L’urgence sociale est indissociable du contexte sanitaire, et les dispositifs d’aide sont le premier filet de sécurité que nous pouvons garantir à ces populations. Restons toutefois conscients d’une chose : sans revalorisation, ces aides ne pourront pas être une solution pérenne. Comme le Gouvernement semble bien décidé à exclure toute revalorisation de sa feuille de route, c’est à nous, élus de Paris, d’établir une stratégie de long terme, et nous le pouvons. La crise sanitaire a révélé l’importance de revaloriser le secteur public dans l’entretien, dans l’éducation, dans les services d’affaires sociales. Les besoins de personnels ne manquent pas. Parce que l’emploi est le volet durable de la politique sociale, nous appelons la Ville de Paris à engager dès maintenant des recrutements dans le service public.
Répondons à l’urgence en agissant dans le long terme.
Je vous remercie.