Mes chers collègues,
A l’annonce du reconfinement le 28 octobre, Emmanuel MACRON n’a pas eu un mot pour la culture, pas un mot mais aussi pas un geste. Rien pour un des secteurs pourtant les plus sinistrés par la pandémie. Rien de plus pour les intermittents qui voient s’amenuiser leurs chances de faire leurs heures avant le 31 août. La deuxième vague était prévisible mais, pourtant, rien n’a été mis en place alors que nombre d’acteurs avaient su s’adapter aux conditions sanitaires.
A l’inverse, notre majorité n’a de cesse d’inventer des solutions et d’investir, comme le montrent les nombreux projets de délibération de notre Conseil pour que la culture puisse vivre et continuer à créer du lien, à nous enrichir. L’exemple des librairies, considérées par le pouvoir comme des commerces non essentiels, est frappant. Je remercie ici Olivia POLSKI, Carine ROLLAND et Anne HIDALGO d’avoir défendu leur réouverture. On peut espérer que les doigts croisés de Mme BACHELOT suffiront pour qu’elle puisse les rouvrir dès la fin du mois de novembre, d’autant que les libraires ont su depuis le premier confinement s’adapter aux normes sanitaires et assurer la sécurité des salariés et des clients. Le retrait en magasin, appelé maintenant "click and collect", ne suffira pas à compenser les pertes de chiffre d’affaires et, surtout, ne remplacera pas l’accueil, la chaleur et les découvertes que l’on peut faire en se promenant dans nos librairies. Certains libraires, d’ailleurs, refusent cette pratique.
Le danger majeur, c’est de générer de nouvelles habitudes de consommation qui ouvrent grand la porte aux géants comme Amazon, grand gagnant de cette crise. Les ventes ont explosé en 2020 pour eux et la fortune de Jeff BEZOS dépasse les 200 milliards de dollars cette année. Mais à quel prix ? 20.000 salariés contaminés par le Covid et une empreinte écologique désastreuse, le recours à des modes de transport polluants et la destruction de milliers d’emplois.
C’est la raison pour laquelle nous soutenons l’appel de différents responsables politiques et syndicaux, stopper Amazon avant qu’il ne soit trop tard et qui demandent l’instauration d’une taxe exceptionnelle sur le chiffre d’affaires d’Amazon et l’annulation du "Black Friday".
Parler des libraires m’amène tout naturellement à saluer le projet de délibération pour apposer une plaque en hommage à Adrienne Monnier, grande libraire, dont la librairie, La Maison des Amis des Livres, a été précurseuse de nos librairies indépendantes d’aujourd’hui. Jacques Prévert l’a décrite avec ces mots : un petit magasin, une baraque foraine, un temple, un igloo, les coulisses d’un théâtre, un musée de cire de rêves, un salon de lecture et parfois une librairie, toute simple. Fille d’un modeste postier, elle réalise son rêve en donnant accès au plus grand nombre à une littérature de qualité, et c’est ainsi que sa librairie devient aussi bibliothèque de prêt. Tous les écrivains du moment s’y donnent rendez-vous, Gide, Apollinaire, Colette, Hemingway, Breton, Aragon et tant d’autres. En 1925, elle lance sa propre revue, "Le Navire d’Argent". Sa compagne et grand amour de sa vie, Sylvia Beach, ouvre à côté sa librairie, Shakespeare & Compagny. Nous ne pouvons qu’admirer ces femmes courageuses et atypiques qui ont réussi à s’imposer dans ce monde qui est encore bien misogyne. Adrienne Monnier arrêtera son activité de libraire en 1951, touchée par une maladie auditive qui la faisait cruellement souffrir, et elle mettra fin à ses jours en 1955. Sylvia Beach lui survivra jusqu’en 1962. Sylvia avait déjà sa plaque, et la volonté de la Ville d’honorer Adrienne Monnier a dû malheureusement attendre 17 ans à cause d’aléas juridiques. C’est chose faite et c’est vrai que cela tombe bien, au moment où les libraires sont au centre de nos débats. Et j’avoue que, comme Laurence PATRICE, je suis moi-même une ancienne libraire et cela me touche particulièrement.
Je veux dire aussi un mot sur les bibliothèques de la Ville. Nous avons souhaité, pour les mêmes raisons que celles pour lesquelles nous appelons de nos voeux l’ouverture des librairies, organiser une semi-ouverture avec la mise en place du "click and collect". J’avais alerté au Conseil de Paris du mois de juin dernier sur la nécessité de prendre le temps de la concertation avec les agents pour qu’ils puissent assurer leur sécurité et celle des publics. Au regard des remontées que nous avons, tout ne se passe pas dans les meilleures conditions, mais je crois qu’il faut respecter ceux qui veulent exercer leur droit de retrait.
Il me reste un petit peu de temps pour vous présenter le voeu dont a déjà parlé Nathalie MAQUOI, en soutien à l’association "Home cinéma" et du cinéma La Clef, que nous présentons avec le groupe "Génération.s" et le groupe GEP. Je ne vous refais pas l’historique, car nous en avons déjà discuté le mois dernier, néanmoins des éléments nouveaux sont advenus. Le premier est qu’à notre grand soulagement l’association va pouvoir rester encore 6 mois dans les lieux sans être inquiétée. Le deuxième, c’est qu’une offre d’achat a été faite par le groupe S.O.S. au CE de la Caisse d’épargne, et nous voulions par ce voeu, au cas où un compromis de vente serait signé, que la Ville réaffirme sa volonté de préempter.
Je vous remercie.