Merci, Madame la Maire.
Mes chers collègues, Mastercard France souhaite faire vivre des expériences uniques aux détenteurs de ses cartes de paiement grâce au programme Priceless. C’est un slogan publicitaire, mais on pourrait se poser la question de savoir ce qu’il vient faire dans notre "galère". En fait, c’est le slogan qui est repris intégralement dans l’exposé des motifs de ce projet de délibération. Que vient faire un slogan publicitaire dans nos projets de délibération ?
Hélas, et c’est là qu’est l’os, elle justifie un "partenariat", selon les termes du projet de délibération, d’un sponsoring, dirions-nous plus crûment, entre la Ville et des entreprises en l’occurrence financières. Echange de bons procédés, Mastercard, évidemment, profite de l’image de la Ville de Paris et la Ville de Paris profite de l’argent de Mastercard, enfin, des petites sommes.
Mastercard pourra ainsi apposer son logo sur les différents supports de communication liés aux expositions qui se tiendront à la salle Saint-Jean de l’Hôtel de Ville. Mastercard pourra bénéficier de contreparties matérielles et d’invitations, mais aussi de la mise à disposition d’espaces à l’Hôtel de Ville. Je vois bien la logique qui conduit Mastercard à passer ce genre d’accord ; les grandes multinationales, on le sait, ont une image bien négative aujourd’hui auprès de pans entiers de la population. On les associe bien souvent à un capitalisme qui pousse à la surconsommation avec tous ses méfaits et dégâts en termes sociaux et environnementaux.
Revenons précisément sur le slogan de notre projet de délibération : Mastercard France souhaite faire vivre des expériences uniques aux détenteurs de ses cartes de paiement. Comment ne pas y voir une ode à la consommation heureuse, à vivre des expériences uniques grâce à la pulsion de la carte de paiement ? Alors même que nous engageons une transition écologique sur la Ville, cette ode à la consommation est décalée.
En termes d’image, nous n’oublions pas non plus que Mastercard a tenté il n’y a pas si longtemps, via une carte de crédit rechargeable émise depuis Gibraltar, de faciliter l’évasion fiscale des revenus des locations d’"Airbnb". Alors, certes, devant le scandale en 2017, cette disposition avait été annulée, mais l’intention était bien réelle et le coup était parti. Le mécénat devient un paravent bien efficace pour se racheter - excusez-moi du jeu de mots - une image.
Je m’inquiète donc du mélange des genres que produit ce type de partenariat pour notre collectivité. La Ville de Paris devient ainsi l’instrument d’une stratégie marketing d’une entreprise privée. Nous mettons à disposition d’une firme l’image de l’Hôtel de Ville, et des expositions culturelles que nous développons se transforment en vitrine pour une opération de relations publiques et d’image de marque. En effet, Mastercard ne fait pas du mécénat ici, et les 50.000 euros qui sont versés à la Ville sont pour cette entreprise un investissement qui lui rapporte davantage que n’importe quelle opération de publicité.
Nous ne pourrons donc approuver ce projet de délibération cette année, comme les précédentes. La question du principe de ces partenariats est posée, mais, au-delà du principe, permettez-moi de rajouter que nous pourrions a minima nous doter et remettre sur l’établi le travail d’une charte de "bonne conduite" qui permettrait de rationaliser le sens que nous voulons donner aux partenariats de la Ville. Cette idée avait été lancée au cours de la dernière mandature, il est urgent qu’elle avance.
Je vous remercie.