Chers collègues,
C’est pour moi aussi un plaisir non dissimulé que nous votions aujourd’hui pour la dénomination de la future médiathèque place des Fêtes, cette médiathèque tant attendue.
En juin 2019, le groupe Communiste avait porté un voeu visant à donner le nom de James Baldwin à un lieu parisien et nous nous réjouissons que ce soit cette médiathèque qui ait été choisie. C’est un symbole fort pour notre ville et pour le 19e arrondissement.
James Baldwin, homme de lettres afro-américain a marqué de son empreinte la littérature contemporaine. Il nous laisse une oeuvre plus que jamais d’actualité à la lumière du mouvement "Black Lives Mater". Ses écrits, alliant puissance narrative et analyse sans concession, explorent et dénoncent l’oppression systémique des Noirs aux Etats-Unis. Aux côtés de Martin Luther King, Malcom X, Medgar Evers, il devint une des figures de la lutte pour les droits civiques.
James Baldwin, c’est aussi une histoire forte avec notre ville où il trouve refuge à 24 ans seulement, après avoir quitté les Etats-Unis pour échapper aux discriminations liées à sa couleur de peau et à son orientation sexuelle. Quelques années plus tard, il dira : "Lorsque j’ai quitté ce pays en 1948, c’était pour une seule raison. J’aurais pu aussi bien aller à Hong Kong ou Tombouctou, j’ai fini dans les rues de Paris avec 40 dollars en poche et la théorie que cela ne pourrait pas être pire que ce que j’avais vécu ici. Il est difficile de se concentrer quand on a peur du monde qui nous entoure. Mes années à Paris m’ont servi à une chose, à me libérer de cette terreur, qui n’est pas le fruit de mon imagination mais un vrai danger inscrit sur le visage de chaque policier, de chaque patron, de tout le monde." Des mots qui résonnent très fortement dans notre actualité.
Car si James Baldwin refusait de se faire enfermer, il pointait bien le fait qu’en tant qu’homme noir, homosexuel, il était enfermé par d’autres dans ces cases. Et quel symbole de donner le nom de celui pour qui Paris fut un refuge, une terre d’accueil pour fuir l’oppression des Noirs aux Etats-Unis, pour fuir la terreur, à ce lieu qui après avoir été un lycée fut un lieu d’accueil pour des réfugiés.
Car nous nous souvenons en 2015, au mois d’août, au plus fort de la crise de l’accueil, des centaines de personnes ont occupé le lycée Jean Quarré désaffecté. Presque soixante-dix ans après James Baldwin, Paris fit honneur à sa tradition d’accueil et je salue à nouveau le bel élan de solidarité des habitantes et des habitants de la place des Fêtes à l’égard de celles et ceux qui fuyaient l’oppression, eux qui attendaient depuis si longtemps et qui attendent leur médiathèque. La Ville de Paris a réussi à concilier cet engagement et l’attente de longue date d’une médiathèque dans ce quartier populaire, en y implantant aussi une Maison des Réfugiés.
James Baldwin était et est un symbole de la lutte pour les droits fondamentaux contre le racisme, contre la discrimination. Sa vie et son oeuvre nous exhortent à nous défier des rôles assignés et grâce à cette dénomination, ses idées continueront d’infuser dans notre société.
Nous attendons maintenant avec impatience l’ouverture de la médiathèque James Baldwin.