Nous avons en tête cette image de visages de jeunes, visages creusés, démunis, qui, pour la première fois de leur vie, faisaient la queue pour des aides alimentaires. Toutes les associations d’aide alimentaire, les Restos du Cœur, le Secours populaire, nous ont alertés sur l’augmentation exponentielle de la pauvreté chez les jeunes. Il faut retenir un chiffre : 17,4 % des moins de 25 ans vivent en dessous du seuil de pauvreté.
Alors, il y a urgence à agir car la situation est inédite. Les moins de 25 ans sont les plus lourdement touchés par la crise économique et sanitaire que nous vivons : 21 % sont au chômage, soit le double de la population, un étudiant sur 6 a abandonné ses études et 40 % des jeunes salariés sont en contrat précaire. Il y a urgence, car leur jeunesse a été volée par la pandémie. Beaucoup sont en colère, une frustration lente, abîmés par les privations et la solitude. 81 % considèrent qu’ils ont été sacrifiés aux politiques de sécurité sanitaire, injustement montrées du doigt comme responsables de la propagation du virus.
La jeunesse, c’est la période de la fondation de l’émancipation, celle pendant laquelle on choisit ses études, sa trajectoire de vie ; on expérimente l’autonomie, les liens d’amitié et la vie amoureuse, les séjours à l’étranger, les premiers emplois, l’engagement associatif et politique. D’ailleurs, ils aspirent à changer le monde. Ils se sont mobilisés sur des causes importantes, comme pour les marches pour le climat ou encore les violences sexuelles. Malheureusement, leur aspiration à changer la société a été freinée par cette pandémie ; beaucoup sont dans la survie pour faire face à l’urgence, s’alimenter, se loger, trouver un emploi, vivre dignement.
Il y a urgence, car beaucoup d’entre eux sont dans une grande détresse psychologique. Selon l’Ipsos, fin janvier, 47 % des jeunes montraient des signes de troubles d’anxiété, des dépressions, des troubles du sommeil, et, selon l’O.M.S., le suicide est la première cause de mortalité chez les 15-24 ans. Il y a urgence, car ils ont le sentiment de ne pas être entendus, d’être abandonnés par les pouvoirs publics, et, d’ailleurs, le refus répété et assumé du Gouvernement d’étendre le R.S.A. aux moins de 25 ans a marqué leur esprit.
Alors, avec cette délibération, nous voulons que la jeunesse soit une priorité de ce début de mandat, et c’est le sens de ce plan d’urgence. La précarité des jeunes existe, mais la crise a lourdement aggravé la situation, et s’il existe un archipel de dispositifs, éclatés, méconnus, soumis à des critères exigeants, avec des démarches administratives importantes, dispositifs qui, de fait, sont peu sollicités par les jeunes, il y a une réelle méconnaissance des aides et donc peu de recours à leurs droits.
Je voudrais vous rappeler, Madame la Maire, que l’association "France urbaine" vient de lancer une expérimentation dans 12 métropoles pour faire face à la précarité des jeunes. Lyon et Nancy ont été les premières à prendre des mesures. Dans ces mesures, 4 scénarios différents se dégagent selon les collectivités. Certaines optent pour une sorte de revenu correspondant à un droit universel, comme peut l’être le R.S.A. D’autres sont sur l’universalisation de la Garantie jeunes, d’autres sont sur un soutien à l’accompagnement vers l’emploi. Enfin, d’autres encore sont sur un soutien global à travers des mesures transversales d’aide au revenu, à la santé, à la mobilité, à l’alimentation. C’est ce dernier scénario que nous voulons privilégier, une approche que nous voulons dans une stratégie transversale et globale.
La proposition que nous faisons, c’est un plan qui s’articule autour de 7 points.
D’abord, une meilleure articulation et un meilleur accès des dispositifs et des aides municipales, copilotées, transversales. C’est l’idée d’une permanence d’accès aux droits au sein de la future Maison des jeunes que vous avez lancée, une meilleure diffusion de l’information auprès des jeunes. Le deuxième point, c’est l’idée d’augmenter le fonds d’aide à la jeunesse avec le soutien de l’Etat. Le troisième point, c’est un meilleur accès au logement avec 3.500 nouveaux logements à destination des jeunes. Le quatrième point, c’est l’accès à l’emploi et à la formation au sein de la Ville, que ma collègue Barbara GOMES détaillera, et, cinquième point, c’est aussi un centre de santé mentale, proposition portée par le Conseil parisien de la Jeunesse. Le sixième point, c’est aller plus loin sur la gratuité des transports. Enfin, le septième et dernier point, c’est favoriser l’accès à la culture, au sport, aux loisirs et aux vacances, notamment en instaurant une tarification unique, comme on l’a fait sur nos centres d’animation et l’extension du Pass Jeunesse à toutes les vacances.
Madame la Maire, ce plan d’urgence, pour nous, c’est la volonté d’investir dans la jeunesse, c’est investir dans l’avenir de notre Ville ; c’est, finalement, avoir ce sens de la résilience que l’on voit aujourd’hui dans les rues de Paris, et se projeter vers un avenir meilleur.
Je vous remercie.