Faut-il encore construire à Paris ? La question est posée, et ce d’autant plus que la ville est engagée dans la révision de son Plan local d’urbanisme (PLU).
Du fait de la nécessaire adaptation au changement climatique, il est impératif d’augmenter fortement la surface de pleine terre, perméable, à Paris. C’est indispensable pour le rafraîchissement de la ville, alors que Paris connaîtra malheureusement le climat de Séville en 2050. Créer des centaines d’hectares de pleine terre à Paris, planter des dizaines de milliers d’arbres supplémentaires, c’est permettre une forte réduction des températures en cas de canicule. C’est une politique de santé publique essentielle, incontournable.
Pour autant faut-il arrêter de construire ? Alors qu’il y a 250 000 demandeurs de logements à Paris, plus de 700 000 en Ile-de-France, que des centaines de milliers de personnes vivent des drames quotidiens du fait de leurs conditions de logements ?
Construction de logements sociaux
La première priorité est bien sûr de mobiliser les logements vacants et inoccupés. Nous le proposions déjà en 2013 dans notre ouvrage Paris n’est pas à vendre. Il nous a permis d’imposer la création d’une taxe sur les résidences secondaires. Mais comme la taxe sur les logements vacants, son taux est bien trop faible. Il est bien trop faible pour réduire le nombre de 120 000 résidences secondaires, pour réduire le nombre de logements vacants.
Une multiplication par cinq des taux de ces taxes permettrait de mobiliser rapidement sans doute jusqu’à 50 000 logements. Sans spolier personne, les propriétaires, souvent des multipropriétaires de ces logements pratiquement pas utilisés n’auraient qu’à les vendre ou les louer, donc à gagner de l’argent. Ils permettaient ainsi à plus de 50 000 familles supplémentaires de se loger dans Paris. Cela suffirait-il ? Non, évidemment non. Il faut aussi construire des dizaines de milliers de logements supplémentaires à Paris, en particulier des logements sociaux pour atteindre au plus vite le seuil de 30% de logements sociaux à Paris.
Et c’est tout à fait possible, tout en permettant de dégager des centaines d’hectares de pleine terre supplémentaires. Il suffit d’utiliser toute la place inutilement consacrée actuellement au stationnement automobile, à la fois dans les rues et au sein des îlots. Pour désimperméabiliser des sols, planter des arbres, et aussi parfois construire des logements. Il faut aussi surélever des bâtiments. Des milliers de bâtiments à Paris ne comptent que un à quatre étages. Leur surélévation, modérée, permettrait de créer des dizaines de milliers de logements supplémentaires.
La construction de ces logements n’émettra que très peu de gaz à effet de serre. Ils seront toujours plus en matériaux bio et géosourcés, en bois, en terre crue, en chanvre, en paille, en pierre, et ils comprendront beaucoup moins, voire pratiquement plus de béton. Leurs toitures seront isolées avec des matériaux biosourcés ce qui permet de beaucoup mieux réguler les températures, ce qui est essentiel en période de canicule, où les plus en danger sont ceux qui habitent dans les derniers étages.
Moins de voitures, plus de bois
Dans nos choix politiques, dans nos règles d’urbanisme et pour notre prochain PLU de Paris, la règle doit être la pleine terre, les arbres et le logement d’abord. L’occupation du sol par des véhicules en stationnement doit devenir toujours plus résiduelle. Alors que Paris et sa région sont le premier pôle de bureau européen, il n’y a plus de sens à construire des bureaux à Paris, en particulier dans le centre et l’ouest. La construction de bureaux n’est plus entendable que dans les arrondissements de l’est en état de déséquilibre habitat-emploi. Durant les dernières décennies, la construction de logements n’a représenté que 38% des surfaces construites. Il faut encore construire, et surtout construire beaucoup plus de logements, qui doivent représenter 80% des surfaces construites. Car les logements qu’on ne construit pas à Paris le seront en banlieue, dans des zones moins desservies en transport en commun, avec plus d’artificialisation des sols, d’émissions de gaz à effet de serre. Et si on ne construit pas ces logements, on laisse proliférer les bidonvilles, ce qui est encore pire.
On oppose trop souvent dans le débat parisien les arbres et la pleine terre aux logements. Il faut les deux, il faut la pleine terre, les arbres et les logements d’abord, et beaucoup moins de voitures en stationnement en surface, et beaucoup moins de constructions de bureaux. C’est à ce prix que nous construirons un Paris vivable, un Paris avec plus de nature, un Paris avec plus de logements et de bien-logés. Un Paris qui prend en compte à la fois l’urgence sociale et l’urgence climatique.
Toutes les dates importantes pour le PLU :
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